Le virtuose turc Omar Faruk Tekbilek a interprété des oeuvres du répertoire oriental samedi soir à Carthage. Tout en y apportant une touche contemporaine.
Par Skander Farza
Dans le silence de la nuit tunisoise, ils s’accordent. Darbouka et oud répètent tranquillement, une formation musicale pas bien originale, faisant penser à ces groupes de folklore sur les terrasses de cafés en vogue. Du moins c’est ce qu’on pourrait croire car ici c’est Omar Faruk Tekibilek qui aux commandes, alors forcément la prestation prend une tout autre allure.
Le musicien turc, véritable prodige multi-instrumentiste, est venu accompagné de son ensemble et a livré une performance à la hauteur de sa renommée internationale. Invité par l’ambassade des Etats Unis, pays où il réside, il a d’ailleurs tenu a remercier son hôte ainsi que «tous les gens qui ont rendu cela possible». Des remerciements et une parole religieuse, teintée de soufisme, prêchant le vivre ensemble et soulignant le rôle de la musique comme «moyen d’expression du coeur».
Un musicien multi-instrumentiste.
A la croisée des musiques
Outre sa polyphonie, ce qui fait la force de la musique d’Omar Faruk Tekbilek, c’est son ancrage dans la musique orientale traditionnelle et son attachement aux mélodies contemporaines. Cette quête spirituelle et artistique, portée par un grand talent musical, l’a amené à jouer avec les plus grands devant d’immenses scènes partout dans le monde.
Ici, il livre des sonorités familières aux Tunisiens, avec comme un vent de fraicheur. On reconnait des airs apparemment éloigné de la musique orientale ce qui donne un plaisant pêle-mêle sonore. Tantôt du ragtime tantôt de la pop, la performance la plus remarquable aura probablement été ce mix entre beat-box et darbouka qui, bien qu’assez osé, aura fait mouche dans le public.
De son «nay», il lance des cris perçants, résonnant dans les gradins du théâtre de Carthage.
A chaque fois, l’homme se greffe en plus de son rôle de chef d’orchestre. Son ensemble, il le dirige d’un coup d’oeil professionnel. Avec deux mouvements de poignets, il donne le tempo à suivre et se rajoute à la formation musicale. Etrangement, on ne remarque presque pas son arrivée dans le groupe tant tout cela est fluide. Et pourtant, on reconnait son jeu entre tous.
Musiciens d’exception
De son «nay» (flûte orientale), il lance des cris perçants, résonnant dans les gradins du théâtre puis se perdant dans le ciel de Carthage. Tambourin en main, il se livre à un duo avec son acolyte percussionniste où les couches rythmiques s’empilent sans fin. Après avoir posé ses instruments, en les nettoyant avec précaution, il s’exerce à présent au chant, avec sa voix toujours aussi puissante, sous les percussions tonnant qui l’accompagnent. En bon meneur qu’il est, il prend également le temps d’écouter son ensemble à l’oeuvre et dans ses yeux on lit un mélange de fierté et de respect.
Omar Faruk Tekbilek reçoit un souvenir de son passage au festival de Carthage des mains de sa directrice Sonia Mbarek.
Car si le héros de la soirée est bourré de talent, il n’en est pas moins de ses musiciens à qui il passe souvent le relais. Du guitariste au claviériste, tous ont droit à leurs prestations personnelles, qui forcent l’admiration du public mais aussi de leur leader comme en témoigne ses nombreuses poignées de main et autres accolades.
Ainsi, l’homme au «qanûn» (cithare orientale) aura eu droit à son ovation en fin de soirée pour son jeu de cordes, digne des solos de guitares les plus endiablés, qui aura fait le show donné un coup de jeune à ce répertoire classique. De quoi satisfaire toutes les générations et prouver que pour ce qui est de la musique, il n’y a vraiment de mode. Juste beaucoup de talent.
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