Dans sa 1ère exposition personnelle, Héla Lamine aborde la question de la circulation des données personnelles sur les réseaux sociaux par le biais de l’art.
Par Fawz Ben Ali
La galerie Gorgi à Sidi Bou Saïd accueille, depuis le 15 novembre 2015, l’exposition «The unsecret life of Samantha C.» de l’artiste tunisienne Héla Lamine.
Pensé et réalisée sur la période d’un an et demi, cette exposition est un projet artistique décalé dont la principale source d’inspiration est une inconnue qui vit à l’autre bout du monde. Il s’agit de Samantha, citoyenne américaine que l’artiste ne connait pas personnellement, mais qu’elle a attentivement suivie et observée à travers son compte Facebook et dont elle a épié les moindres activités virtuelles, sans même lui envoyer une demande d’ajout à sa liste d’amis, et qui, aujourd’hui, fait l’objet d’une exposition artistique des plus étonnantes.
Des créations à la dérobée
Durant un an et demi, Samantha ne se doutait pas qu’elle était «espionnée», encore moins que sa vie virtuelle allait servir de matière à une création artistique. En effet, toutes ses données virtuelles publiques (photos, vidéos, statuts, publications, commentaires…) ont été collectées, archivées, compilées et puis ré-interprétées par l’artiste, à la dérobée de Samantha, pour donner lieu à une centaine d’œuvres visuelles graphiques de formats et de techniques différents (dessin, collage, peinture, photographie rehaussée…) retraçant la vie de l’Américaine, son quotidien, ses loisirs, ses souvenirs, ses relations familiales, amicales et affectives… pour ainsi dresser un portrait mi-réel, mi-réinventé d’une utilisatrice de Facebook, choisie complètement au hasard.
Samantha a été avertie qu’elle était l’héroïne d’un projet artistique traitant sa vie «non cachée» seulement trois semaines avant la date du vernissage. L’artiste a invité Samantha à une conférence Skype afin de tout lui dévoiler, cette dernière en est restée stupéfaite. La vidéo de leur entretien est diffusée à la galerie Gorgi parallèlement à l’exposition.
Diplômée de l’Institut des Beaux Arts de Tunis et de l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, Héla Lamine est une jeune artiste tunisienne qui exploite plusieurs médias (gravure, peinture, collage, techniques numériques…) dans ses créations où l’esthétique se trouve au service d’une réflexion artistique et philosophique.
Ces nouvelles formes de «voyeurisme»
A travers «The unsecret life of Samantha» qu’elle considère comme sa première création personnelle, Héla Lamine a souhaité aborder la question de la libre circulation des données personnelles sur les réseaux sociaux. Le but premier est de s’interroger sur notre place sur la Toile et les rapports que nous entretenons avec ses différents moyens, sites et réseaux. Gérons-nous nos données personnelles ou sommes-nous instrumentalisés et manipulés par ces nouvelles formes de «voyeurisme»?
Désormais, l’espace privé et l’espace public ne font plus qu’un car l’Homme moderne, cet internaute hyperactif, semble ne pas être assez conscient du degré d’intimité qu’il étale et partage avec le reste du monde. Les questions de l’identité, de la confidentialité et du rapport entre le virtuel et le réel ont été subtilement traitées par Héla Lamine dans une approche artistique attrayante, singulière et surprenante.
L’exposition se poursuivra jusqu’au 29 novembre.
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