Nidaa Tounes n’a pas trompé ses électeurs, ou seulement ceux qui ont voulu se tromper eux-mêmes, en croyant à la vertu magique du «vote utile».
Par Amor Cherni *
Voilà que le terrorisme ose nous montrer encore son hideux visage pour la nième fois en un an (attentat de Tunis, le 24 novembre 2015, qui a fait 12 morts parmi les agents de la garde présidentielle, NDLR), sans parler des années précédentes.
On croyait, en effet, qu’avec le «vote utile» et la venue au pouvoir des «bourguibistes honnêtes», on allait se débarrasser des séquelles de la «Troïka» (l’ancienne coalition gouvernementale conduite par les islamistes d’Ennahdha) et de la période noire que notre pays n’a cessé de connaître depuis la révolution. Or, on voit aujourd’hui, et du reste on a vu dès le lendemain des dernières élections, s’évanouir, tel un beau songe, ces illusions dont se berçaient les amateurs en matière d’analyse politique!
Un parti/champignon sans doctrine ni programme
Ceux qui ne savent ni voir ni entendre, ont pourtant vu et entendu sur les écrans et autres médias, le «président-fondateur» de Nidaa Tounes (Béji Caïd Essebsi, NDLR), affirmer à haute voix et même à qui ne voulait pas l’entende, qu’ils «ne gouverneraient pas seuls, même s’ils avaient la majorité absolue» et, fallait-il ajouter, la présidence de la république.
Ceux qui ne savent ni voir ni entendre, ont pourtant vu et entendu que la confrérie islamiste s’était abstenue de présenter un candidat à ce dernier poste et qu’elle avait partagé ses voies, afin d’avoir deux fers au feu, entre les deux candidats au deuxième tour des présidentielles.
Ceux qui se sont frotté les yeux, en voyant cet accord tacite, d’aucuns diraient secret, aboutir à une coalition parlementaire et gouvernementale, n’ont à en vouloir qu’à leur myopie politique ou à leur somnolence idéologique !
Nidaa a-t-il donc trompé ses électeurs? Jamais! Il n’a trompé que ceux qui ont voulu se tromper eux-mêmes; c’est-à-dire ceux qui ont cru à la vertu magique du «vote utile» ! Les membres de ce parti/champignon — et il serait pour le moins abusif de les accuser de militantisme — étaient les premiers à savoir qu’ils n’avaient ni unité, ni cohérence, ni programme, ni doctrine politique, ni donc avenir.
Un parti qui prend le pouvoir sans même avoir eu un congrès constitutif, c’est-à-dire qui ne dispose ni de motions, ni de direction politique élue, ni d’instances délibératives; un parti dont l’unique programme était de gouverner sans programme, ne pouvait que voler en éclat et mener le pays à la catastrophe. Or, voilà que nous y sommes et comme le dit le poète : «Ici est la rose, ici il faut danser».
Une cacophonie de mauvais goût
Oui ! Le peuple tunisien est en train de danser au rythme de la hausse des prix et au son des armes terroristes, encadrés et amplifiés, au même diapason, par la symphonie de la contrebande, de la fraude fiscale, de la dette extérieure, des divers déficits, des privatisations, etc. Que fait le chef ? On dit chez nous : «Le chef de famille bat le tombeur !». Faut-il ajouter: en nous chantant la chanson de la «réconciliation» avec ceux qui ont pillé notre pays pendant des décennies!? Et comme si tout cela n’était pas suffisant, un petit musicien, feignant devenir grand et avoir trouvé un air génial, nous a joué un morceau qui nous a ébahis : proposer le classement de nos priorités de développement à… une banque étrangère ! (Yassine Brahim, ministre du développement, de l’Investissement et de la Coopération, NDLR)
Pauvres Tunisiens ! Faut-il encore que votre pays paie cher pour que des «stratèges!» parisiens viennent vous dire que vous ne mangez pas assez de viande parce que vous en mangez trop le jour de l’Aïd, que vous manquez des protéines parce que votre huile d’olive est exportée au lieu de vous nourrir, que vous grelottez de froid l’hiver parce que vous vous habillez à la fripe, que vous manquez de travail parce que vous avez fait la révolution et que vous faites peur aux «investisseurs», qu’il faut donc courber l’échine pour qu’on daigne venir vous exploiter, etc.?!!
Ces évidences que vous ressentez tous les jours dans votre chair, il faut que ce soit des «techniciens» parisiens qui viennent vous les «démontrer» en y employant toute leur pseudo science des finances! Pourquoi pseudo? Parce qu’à l’opposé des mathématiques et de la physique, à l’encontre des lettres et de la philosophie, qui œuvrent depuis leur naissance à la promotion de l’humain, elle n’œuvre, elle, qu’à la promotion du capital et du profit, aux dépends bien tendu de ceux qui n’en ont pas ! Et dire que nous sommes un pays indépendant depuis près de 60 ans ! Qui a payé son indépendance du sang de ses martyrs et des sacrifices de son peuple ! Et qui, de surcroit, a fait sa glorieuse révolution démocratique et populaire : la bien nommée Révolution de la Dignité !
A qui la faute? Qui est responsable de cette cacophonie de mauvais goût à laquelle nous sommes soumis aujourd’hui? — C’est lui, c’est ce fantôme qu’on appelle le Front Démocratique ! C’est lui notre bouc émissaire! Chargeons-le des «iniquités du peuple» et chassons-le dans le désert politique! S’il périt, nous nous serons débarrassés, d’un coup, de lui et de nos malheurs! S’il revit, s’il régénère, s’il renaît de ses cendres en devenant populaire, il se transformera en un Phénix et nous avec lui ! Que notre grand marabout de la place Med Ali le protège! Amen.
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