Interviewé hier par Al-Watanya 1 et France 24, Moncef Marzouki est apparu très démonté contre Ennahdha, qui l’a délaissé pour d’autres partenaires.
L’ancien président provisoire de la république, qui doit son bail au Palais de Carthage pendant trois longues et interminables années (début janvier 2012 – fin décembre 2014) à un «mariage arrangé» avec Ennahdha, n’a peut-être pas prévu d’être abandonné en cours de route par le parti islamiste qui, chemin faisant, a préféré se jeter dans les bras (sans jeu de mot malveillant) de Nidaa Tounes.
M. Marzouki est d’autant plus dépité et inconsolable que, affirme-t-il, il a tout fait pour éviter à Ennahdha et ses dirigeants un scénario à l’Egyptienne, qui leur ferait subir le même sort que les Frères musulmans et «mon frère Mohamed Morsi», par allusion au coup d’Etat militaire du général Abdelfattah Sissi qui a destitué le président Mohamed Morsi et mis fin au pouvoir des Frères musulmans.
«Les leaders d’Ennahdha auraient dû être plus francs et informer le peuple de la vérité sur l’accord passé à Paris, en 2013, avec les symboles de l’ancien régime qui cherchent à se recycler», poursuit M. Marzouki, par allusion à la rencontre, dans la capitale parisienne, en août 2013, entre le président d’Ennahdha Rached Ghannouchi et l’ex-président de Nidaa Tounes et actuel président de la république Béji Caïd Essebsi, qui a abouti au Dialogue national et au départ d’Ennahdha du gouvernement.
«J’ai été trahi par les dirigeants d’Ennahdha que j’ai protégés d’un coup d’Etat certain», a encore insisté M. Marzouki, sans donner plus de précision sur ce coup d’Etat qui n’existe, en réalité, que dans ses songes de Don Quichotte guerroyant contre des moulins à vent.
M. Marzouki, qui se retourne aujourd’hui contre ses anciens alliés et «employeurs» nahdhaouis, dont il semble découvrir aujourd’hui le «salafisme», n’a pas oublié le tapis rouge qu’il avait déroulé lui-même, pendant son mandat présidentiel usurpé, aux prédicateurs salafistes, plus extrémistes les uns que les autres. Il croyait bien faire en essayant de ramener ces derniers vers la démocratie et la notion d’Etat et les inciter à abandonner l’idéologie salafiste et à devenir modérés, comme l’ont fait les membres Ennahdha, explique M. Marzouki, mais sans trop convaincre. Car il faut situer les actes dans leur contexte, et à l’époque, le locataire du Palais de Carthage, qui voulait s’éterniser à son poste affublé de l’adjectif «provisoire», savait qu’il était cordialement détesté par les progressistes, qu’ils soient libéraux ou de gauche, qui constituent sa famille naturelle, et a cherché à se rapprocher des extrémistes religieux et, d’ailleurs, ces derniers le soutenaient à cor et à cri. Et le soutiennent encore aujourd’hui.
On comprend mieux maintenant pourquoi Marzouki n’a pas répondu à l’invitation d’Ennahdha pour assister à la cérémonie d’ouverture de son 10e congrès. «Je suis en désaccord avec les leaders d’Ennahdha et je ne veux pas être hypocrite en faisant acte de présence», a-t-il lui-même précisé dans le même entretien.
L’ancien président a profité de l’occasion pour dire qu’il garde espoir en l’avenir de la Tunisie, en espérant voir «le peuple tunisien préserver le processus démocratique en se rattrapant aux élections de 2019, qui devraient être plus transparentes que celles de 2014 où l’argent a coulé à flot et où les médias ont beaucoup aidé un parti de droite à gagner les élections».
«Les élections de 2014 ont été certes libres mais pas transparentes. Il y a eu même des morts qui ont voté. N’empêche que j’ai félicité Beji Caïd Essebsi pour sa victoire», a souligné M. Marzouki, qui ne semble pas conscient de la contradiction évidente dans ses propos, d’autant qu’il a ajouté avoir déposé, depuis un an et demi, une plainte en justice pour dénoncer le financement occulte des partis politiques avec des documents à l’appui, mais la justice n’a pas réagi.
Z. A.
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