« Habib Bourguiba sortira du purgatoire et la statue équestre du plus illustre des tunisiens reprendra sa place à Tunis. »
Par Dr Sami El Mekki *
C’est une citation du président de la république Béji Caid Essebsi (BCE) tirée de son livre intitulé ‘‘Habib Bourguiba, le bon grain et l’ivraie’’, où il rend hommage à la vision et à l’envergure hors du commun de celui que les Tunisiens appelaient de son vivant le «combattant suprême».
Interrogé par ‘‘Jeune Afrique’’, BCE a affirmé que «l’avenue Habib Bourguiba sans Bourguiba n’a pas de sens et qu’un autre jour, s’il en a la possibilité, il organisera son retour», par allusion à la statue équestre de l’ancien président qui avait été déboulonnée, au lendemain de sa destitution, en 1987, et transférée à la Goulette.
L’éternel retour d’un leader exceptionnel
BCE, qui est doté d’une culture politique hors pair et d’une grande indépendance d’esprit, se présentant volontiers comme un disciple de Bourguiba, ayant été un de ses plus proches collaborateurs pendant plus de trente ans dans les plus hautes fonctions de l’Etat, n’a jamais caché son désir ardent et son intention de réparer l’injustice infligée à son mentor par Ben Ali.
Caïd Essebsi pose devant la statue de Bourguiba revenue à sa place au coeur de Tunis… et des Tunisiens.
En grand homme d’Etat et en véritable et authentique militant, il a tenu parole. Il est magistralement passé à l’acte, malgré l’hypocrisie des islamistes, qui détestent cordialement Bourguiba mais lui tressent souvent des lauriers dans les médias, et l’opposition d’une insignifiante minorité de renégats et de mercenaires à son «retour».
Aussi le retour tant attendu de la statue du père de la nation à l’avenue qui porte son nom n’a-t-elle pas été du goût de tout le monde. En effet, l’avocat et ancien ministre Mohamed Abbou, peu reconnaissant à l’œuvre du libérateur de la nation, et le mercenaire populiste Hachemi Hamdi s’y sont-ils opposés violemment. Ce dernier a même organisé une manifestation contre Bourguiba, décédé il y a 16 ans, et contre le retour de sa statue.
Président du Courant de l’Amour, Hachemi Hamdi peut revendiquer le statut de chef du Courant de la Haine. Ce Tartuffe des temps modernes ne fait que semer la pagaille dans le pays avec ses discours haineux incitant à la violence et à la haine. Essayant vainement de retrouver une place sur l’échiquier politique qu’il a définitivement perdue, cette girouette irresponsable a fait de son mieux pour se singulariser, en perturbant l’hommage rendu au grand leader du mouvement national.
Il continue en cela une vieille tradition de haine de Bourguiba : il y a quelques années, les dirigeants du mouvement d’Ennahdha et à leur tête son président Rached Ghannouchi se gardaient même d’évoquer ne serait ce que le nom de Bourguiba. Aujourd’hui que leurs intérêts leur ont dicté une alliance avec Nidaa Tounes et son fondateur BCE, les Nahdhaouis semblent avoir oublié leurs vieux griefs contre le «combattant suprême», notamment celui de les avoir empêchés, de son vivant, de diffuser leur idéologie fondamentaliste.
En dépit des polémiques et provocations qui ont accaparé l’intérêt et l’attention de toute la scène médiatique et politique, la statue du «Jugurtha qui a réussi» (comme aimait à s’appeler Bourguiba) a finalement repris sa place en plein cœur de la capitale, après 28 ans d’«exil» forcé à la Goulette. Une place qu’il n’a réellement jamais perdue malgré toutes les tentatives de Ben Ali et de la Troïka, l’ancienne coalition gouvernementale dominée par Ennahdha qui a gouverné la Tunisie de janvier 2012 à janvier 2014, de le faire sortir par la petite porte de l’histoire et de s’acharner sur ses empreintes indélébiles sur la Tunisie moderne.
Ce retour tant attendu n’est en fait qu’une justice qui lui est rendue par l’histoire.
Une œuvre historique
L’inauguration de la statue de Bourguiba, le 1er juin 2016, 61 ans, jour pour jour, après le retour triomphal de Bourguiba de son exil en France, est une date historique qui symbolise l’unité et la solidarité du peuple tunisien, Bourguiba étant le symbole incontestable de l’indépendance, de l’unité nationale, de la modernité, de la souveraineté, de la liberté et de la fierté. Il représente la Tunisie prospère, de l’émancipation de la femme, de l’éducation gratuite pour tous et du développement économique et social. Il n’a pas seulement contribué à l’édification de l’Etat moderne, il a aussi élevé la Tunisie au rang d’un Etat respecté et crédible.
Homme politique d’une trempe exceptionnelle, il n’a jamais hésité, pendant la lutte nationale, à sacrifier sa liberté, et, après avoir accédé à la tête de l’Etat tunisien indépendant, il a continué le combat pour la dignité et n’a jamais cherché l’enrichissement personnel. En effet, il se distinguait par son mépris de l’argent, dont il ne connaissait même pas la valeur, laissant la gestion des affaires économiques à ses ministres. Au bout de trente ans de règne, il n’a acquis aucun bien immobilier et c’est de la vieille maison de ses parents, à Monastir qu’on a sorti sa dépouille pour l’enterrer dans le mausolée qu’il s’était fait construire de son vivant. Un exemple unique parmi les chefs d’Etat du tiers monde et même des pays développés. Et il demeurera pour l’éternité le guide suprême et le père de l’indépendance et de la Tunisie moderne. N’en déplaise à tous ceux auxquels la simple idée de faire revenir sa statue sur l’avenue portant son nom a donné les pires cauchemars.
De son vivant comme après sa mort, l’ombre de son ombre a toujours énervé tous ceux qui n’auront jamais la taille pour être à sa hauteur.
*Médecin-pneumologue.
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