Six ministres de Nidaa Tounes se sont pavanés pour l’inauguration d’un café-restaurant de l’un des leurs. Ils ont droit à une volée de bois vert sur les réseaux sociaux.
Par Nadya B’chir
Décidément nous n’avons pas encore fini avec les surprises ahurissantes d’un pan du gouvernement en place. En effet, la palme du comportement le plus incongru revient par excellence aux ministres du parti Nidaa Tounes. Il y a certes exemption timide d’un nom qui s’égarerait un coup par-ci, un coup par-là, néanmoins, le constat s’impose tel un truisme. Ce constat, précisément, a sonné les cloches un certain 10 juin, lorsqu’une brochette de six ministres nidaistes s’est dépêchée pour l’inauguration d’un café-restaurant de l’un des leurs. Aucune place au hasard et à la malfaçon, tout y était : le ruban rouge, les ciseaux, les photos à la bonne franquette, et même les déclarations à la presse. Oui, chez les Nidaistes, l’on n’accrédite pas la demi-mesure !
La bêtise gouvernementale dans toute sa splendeur
Aussitôt les photos divulguées sur les réseaux sociaux, un tollé public s’est excité sans prêter attention à quelques réserves qu’elles soient.
Six ministres se sont pavanés pour l’inauguration d’un café-restaurant du coordinateur régional de Nidaa Tounes à Monastir, nous citons : Kacem Makhlouf. Il est également le frère de la députée dudit parti, Wafa Makhlouf. Les six ministres – et il convient de les nommer pour qu’on ne les oublie pas : Néji Jalloul, Said Aidi, Khaled Chouket, Selma Elloumi, Slim Chaker, et Noureddine Ben Ticha (conseiller ministre à la présidence de la République) – n’ont eu vergogne à s’afficher dans cette toile peu glorieuse, ils se seraient même fait du coude pour jouir de la première loge ! Pathétique !
Pour une fois, les absents n’avaient pas tort.
A un moment rudement difficile que connaît le pays, en l’occurrence sur le plan économique, à un moment où la frustration collective et générale monte en créneaux et réduit cruellement le seuil de tolérance à la bêtise gouvernementale, les six chevaliers nidaistes n’ont trouvé mieux que de s’afficher tout sourire béat à l’inauguration d’un café-restaurant. Une image lourde de sens et d’interprétations. Et à s’interroger si avant de se dépêcher sur les lieux d’un événement, qui à la base n’en est pas un, les ministres nidaistes avaient-ils seulement réfléchi à la conséquence de leur acte vis-à-vis de leur responsabilité officielle?! Ont-ils seulement réfléchi aux messages qu’ils pourraient véhiculer à travers pareil comportement frivole et honteusement irresponsable ?! A donner sa langue au chat ! Et puis, le chef du gouvernement, où en est-il dans tout ce mouled ?! Cela laisse deviner clairement le degré d’autorité de Habib Essid sur ses ministres mais, également, le degré d’estime que ses employés de première légion ont à son égard !
La palme de la bêtise à Slim Chaker
Et l’on y attendait pas moins : des voix d’une «sagesse» irréfragable se sont élevées pour servir de boucliers aux sagaies lancées envers les chevaliers nidaistes. «Et alors s’ils ont voulu assister à l’inauguration d’un café par courtoisie et complaisance à un ami? Y a-t-il eu crime? Allons-donc!»
Soit ! Les ministres ont le plein droit de décompresser un moment aussi furtif soit-il et se défaire un instant de leurs lourdes et conséquentes responsabilités en assistant à l’ouverture du café d’un ami. Cependant, ces mêmes ministres ont-ils le droit d’user de leurs fonctions officielles et s’afficher non pas en tant que citoyen lambda mais en tant que ministre à un non-événement tel que celui-ci?! Et notre fameuse et incontournable ministre du Tourisme, Selma Elloumi, a-t-elle le droit de procéder à une inauguration à caractère officiel, formel et cérémonial d’un simple café?! Nous daignons déployer les efforts les plus fous et les plus vraisemblables pour le comprendre, la raison ne peut y attribuer crédit ! Ils sont venus, ils sont tous là, les chevaliers nidaistes en ont eu pour leur grade après cette parade pour l’ouverture d’un café. La toile s’est enflammée, indignée, et crié sa désolation la plus abyssale.
Le patron de Nidaa pose à côté du patron du café-restaurant: cherchez l’erreur!
Les chevaliers nidaistes sont devenus la risée des réseaux sociaux et semblent, par ailleurs, n’en avoir cure ! Ils s’amusent et ne s’en cachent pas. Les problèmes alarmants de l’économie nationale continuent à se bousculer au portillon? Cela pourra attendre, l’heure de l’urgence n’a pas encore sonné et puis ce café n’est-il pas un projet d’investissement de grande ampleur tel que l’a déclaré le ministre des Finances, Slim Chaker?! Bien joué !
Le peuple tunisien, en participant aux élections de 2014, en votant utile et par le cœur, a cru qu’il frôlait enfin la délivrance. Qu’il en est fini de ces maux qui gangrènent le pays des années durant : le favoritisme, le clientélisme, les intérêts individuels, le pouvoir avant tout le reste, etc. Illusoires ! Les promesses électorales n’auraient été que paroles, paroles et encore des paroles. Et dans tout ce capharnaüm qu’est le gouvernement, ce qui demeure le plus douloureux et le plus absurde, ineffable même, est que l’on entende des âmes qui défendent ce qui restera indéniablement moralement indéfendable !
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