La situation générale en Tunisie s’est tellement dégradée sous la présidence de Béji Caïd Essebsi que son prédécesseur Moncef Marzouki trouve des arguments assez forts pour le critiquer.
Par Imed Bahri
L’ancien président provisoire de la république, placé à la tête de l’Etat par le bon vouloir du parti islamiste Ennahdha, vainqueur des élections d’octobre 2011, et qui a brillé par son instabilité caractérielle et ses décisions politiques à l’emporte-pièces, s’est fendu, hier, d’un post sur sa page Facebook pour magnifier ses «réalisations» au cours des 3 années qu’il a passées à la tête de l’Etat et dénoncer les errements de l’actuel locataire au Palais de Carthage, Béji Caïd Essebsi.
Ce qui est encore plus attristant, dans cette affaire, c’est que les arguments développés par M. Marzouki tiennent la route, ses critiques sonnent justes et les piques qu’il adresse à son successeur sont bien méritées par ce dernier.
En qualifiant les travaux de l’actuelle Assemblée des représentants du peuple (ARP) de «mascarade», M. Marzouki exagère à peine. «Qui de nous écoute encore ce qui se dit dans ce bâtiment?», s’interroge-t-il, faisant ainsi écho à l’immense déception que les députés inspirent aujourd’hui à leurs électeurs.
En affirmant que «le gouvernement est désarticulé, avec des ministres qui exigent la démission de leur chef… un gouvernement qui ne travaille plus, en attendant que nos maîtres se mettent d’accord sur le partage du gâteau», l’ancien président provisoire ne fait que décrire l’amère réalité de l’exécutif actuel qu’observent, impuissants, tous les Tunisiens et les Tunisiennes.
«Nous avons un président incapable d’assumer les plus simples et les plus symboliques de ses responsabilités, comme d’assister aux funérailles des martyrs ou à la prière de l’Aid, et qui se soucie surtout de cacher son état de santé», écrit M. Marzouki, se faisant l’écho de ce que disent désormais, ouvertement, tous ses compatriotes, même parmi les membres de Nidaa Tounes, le parti fondé par M. Caïd Essebsi et qui l’a porté à la présidence de la république.
«Ce président n’a rien fait jusqu’ici qu’outrepasser continuellement ses prérogatives telles que définies par la constitution, présenter une initiative constitutionnelle pour blanchir la corruption (par allusion au projet de loi pour la réconciliation économique et financière, NDLR), pousser sa famille sur les devants de la scène politique (par référence à son fils, Hafedh imposé à la tête de Nidaa Tounes, Ndlr), renouant ainsi ce qu’il y a de plus abject et de plus pourri dans nos mœurs politiques, réaliser une croissance ne dépassant guère 0,0%, appuyer les tueurs du Caire et de Damas (les présidents Abdelfattah Sissi et Bachar El-Assad, Ndlr), et pour finir, proposer la mascarade du gouvernement d’union nationale, une erreur politique que ne commettrait pas un débutant, et que dire de quelqu’un qui prétend posséder la science politique infuse… Cette bêtise a abouti à la paralysie du gouvernement, de l’administration et de l’économie jusqu’à nouvel ordre. Et ce sur un fond d’aggravation des souffrances, matérielles et psychiques, des Tunisiens», écrit notamment M. Marzouki.
Il serait injuste de ne pas écouter ces critiques, au prétexte qu’elle émane d’une personne qui, au terme de trois ans passés à la tête de l’Etat tunisien, a montré l’étendue de son incompétence, et de fermer ainsi les yeux sur la situation catastrophique qu’il décrit et qui pourrait nous valoir, bientôt, les pires désagréments.
Ces critiques doivent être entendues, et M. Caïd Essebsi et la coalition au pouvoir serait bien inspirés d’y prêter une oreille moins distraite. Si tant est qu’ils sont conscients de la gravité de la situation actuelle dans le pays et que l’avenir du pays leur importe encore, ne fut-ce qu’un peu. Ce dont on commence à douter sérieusement…
Donnez votre avis