Mohsen Marzouk avait pourtant transmis une invitation officielle au président Caïd Essebsi.
Trois raisons expliquent l’absence de Béji Caïd Essebsi à l’ouverture du congrès constitutif du Machrou, hier soir, à Tunis. Et elles ne l’honorent pas…
Par Imed Bahri
Le président de la république a brillé par son absence à l’ouverture du congrès constitutif de Harakat Machrou Tounes (Mouvement du Projet Tunisie), samedi, au Palais des sports d’El Menzah.
Le chef de l’Etat, rappelons-le, a participé à l’ouverture du «congrès consensuel» de Nidaa Tounes, le 9 janvier dernier, à Sousse, organisé par son propre fils, Hafedh Caïd Essebsi, et qui a abouti à l’implosion de ce parti qu’il avait lui-même créé en juin 201.
Il a pris part, également, à l’ouverture du 10e congrès d’Ennahdha, le 20 mai dernier, à Radès, et s’est affiché ostensiblement aux côtés de son adversaire d’hier et allié d’aujourd’hui, le président du parti islamiste Rached Ghannouchi, faisant grincer les dents des nombreux électeurs qui l’ont porté à la présidence de la république sur la base d’une campagne entièrement construite autour de la nécessité de faire barrage à Ennahdha. Les promesses électorales, on le sait, n’engagent que ceux qui y croient.
Un flagrant délit de parti-pris partisan
Interrogé à l’époque sur sa présence à l’ouverture du congrès d’Ennahdha, M. Caïd Essebsi avait affirmé qu’il est président de tous les Tunisiens et qu’à ce titre, il répond aux invitations émanant des partis qui tiennent leurs assises nationales.
Pourquoi le chef de l’Etat a-t-il donc décidé de sécher le congrès constitutif du Machrou, alors que le coordinateur national de ce nouveau parti, Mohsen Marzouk, avait tenu à lui faire parvenir une invitation officielle ?
On peut avancer plusieurs raisons pour expliquer ce faux bond. Et aucune n’honore vraiment le chef de l’Etat, pris en flagrant délit de parti-pris partisan voire de mensonge.
La première raison, et sans doute la plus déterminante, est la volonté de Béji Caïd Essebsi de ne pas provoquer la colère de son imprévisible fils, chef autoproclamé de Nidaa Tounes et ennemi juré de Mohsen Marzouk et de ses camarades du Machrou, qui ont refusé d’accepter son leadership douteux et ont même préféré démissionner après le putsch que le «fils de son père» et «héritier putatif» a mené pour prendre le contrôle des structures du parti. Assister à l’ouverture du congrès constitutif du Machrou aurait été, en effet, interprété comme une légitimation de l’acte scissionniste des fondateurs de ce parti, qui ambitionnent de prendre, dans le paysage politique tunisien, la place qu’avait Nidaa Tounes avant le putsch.
Le président de Nidaa et d’Ennahdha
La deuxième raison, tout aussi importante aux yeux de «Si El-Béji», est sa volonté de ménager ses puissants alliés islamistes, dont il est désormais l’otage, et qui n’auraient pas apprécié de le voir assister à un congrès auquel ils ne sont pas invités et où ils risquent, à juste titre, d’être copieusement critiqués.
Aux yeux du locataire du Palais de Carthage, la satisfaction de Rached Ghannouchi et de ses troupes importe davantage que celle de son «fils spirituel» Mohsen Marzouk, ancien directeur de sa campagne présidentielle, ancien secrétaire général de Nidaa et ancien conseiller politique à la présidence de la république, et qui a été pour beaucoup dans la victoire électorale du président et de son parti.
Cette ingratitude, les Tunisiens, que M. Caïd Essebsi a trahis et dont il a volé les voix, sauront l’apprécier à sa juste valeur et, le cas échéant, la sanctionner.
La troisième raison de l’absence du chef de l’Etat au congrès constitutif du Machrou peut être facilement devinée. Pour toutes les raisons déjà invoquées, M. Caïd Essebsi avait de bonnes raisons de craindre d’être hué par un Palais des Sports plein à craquer de personnes qui ont tellement de choses à lui reprocher. La preuve a, d’ailleurs, été donnée lorsque ces derniers ont hué le message adressé aux congressistes par le chef de l’Etat et dont lecture a été faite par Mohsen Marzouk, grand diplomate devant l’Eternel, qui s’est gardé de faire le moindre reproche ou la moindre remarquer désobligeante à l’égard de l’homme auquel il voue encore, malgré tout, un grand respect.
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