Le groupe Mashrou Leila, engagé et rebelle, a donné deux soirées mémorables à Hammamet, qui ont installé définitivement sa notoriété en Tunisie.
Par Fawz Ben Ali
Le public de la 52e édition du Festival International de Hammamet a eu droit à un double concert à guichets fermés, les soirs du 30 et 31 juillet, avec le groupe de rock alternatif d’origine libanaise Mashrou’ Leila (Projet d’une nuit).
L’ayant découvert en 2012, dans le cadre du Festival Mousiqa Wassalem, le public tunisien compte parmi les premiers fans du Projet, qui était revenu l’année suivante pour deux concerts à Bizerte et à Hammamet, annonçant le début d’une grande histoire d’amour entre ce groupe devenu icône de la scène alternative arabe et le public tunisien.
L’étendard de la liberté
Jugé par le gouvernement jordanien comme «porteur de valeurs contraires à celles du pays», Mashrou’ Leila a été interdit récemment à Amman, mais accueilli à bras ouverts à Hammamet devant un théâtre plein à craquer, deux soirs de suite.
Dès son entrée sur scène, le groupe captive et met le public dans tous ses états. D’énormes cris d’euphorie secouent le théâtre face à cinq jeunes hommes beaux, talentueux, mais surtout engagés, portant fièrement l’étendard de la liberté.
Les membres du groupe (Hamed Sinno au chant, Haig Papazian au violon, Carl Georges à la batterie, Firas Abu-Fakher à la guitare électrique, et Ibrahim Badr à la guitare basse), dont la notoriété est montée en flèche ces dernières années, se font les nouveaux porte-paroles de la jeunesse arabe progressiste, en proposant une musique révolutionnaire et sans complexe. D’ailleurs, le leader du projet, Hamed Sinno, assume ouvertement son homosexualité et chante son amour pour les garçons sur des textes qu’il écrit lui-même, une première dans le monde arabe, sans pour autant faire du groupe un «Queercore», car ses chansons, en dialecte libanais, s’engagent sur des plusieurs thématiques aussi bien sociales que politique.
Sensible aux droits de la communauté LGBT, Hamed Sinno a profité de son passage à Hammamet pour exprimer son soutien à Ahmed Ben Amor, vice-président de l’association Shams, qui vient de survivre à deux tentatives de suicide. La chanson ‘‘Tayf’’ extraite du dernier album ‘‘Ibn El Leil’’ lui a été dédiée. «Ahmed, si tu es parmi nous ce soir, cette chanson est pour toi», a lancé le chanteur et leader du groupe.
Une suavité rebelle
Le concert était en majeure partie consacré au dernier album du groupe ‘‘Ibn El Leil’’, sorti en novembre 2015, davantage électro et tonique. On a eu droit aux titres ‘‘Aoede’’, ‘‘Falyakon’’, ‘‘Djin’’, ‘‘3 minutes’’… Mais le public réclamait surtout les anciens titres issus des premiers albums comme ‘‘Fasateen‘‘, ‘‘Rakset Leila’’, ‘‘Bahr’’, ‘‘Lil watan’’… que le groupe a pris plaisir à revisiter. Les fans ont repris en chœur ces chansons avec Hamed Sinno, un charmeur qui touche en plein cœur avec sa voix éraillée et son air de Freddie Mercury.
La soirée a pris fin en douceur avec une balade acoustique intitulée ‘‘Sham El-Yasmine’’, qui parle d’un amour impossible entre deux garçons.
Cultivant une suavité rebelle, Mashrou’ Leila a su trouver la juste formule pour gagner en popularité tout en proposant une musique intelligente autre que la chansonnette mainstream. Il s’agit d’ailleurs du premier groupe arabe à avoir fait la couverture du magazine américain ‘‘Rolling Stone’’.
Donnez votre avis