Après la fermeture du gisement de gaz de Petrofac et la décision de la partie britannique de quitter définitivement la Tunisie, Kerkennah est une île presque perdue.
Par Mohamed Naji Chaari *
Kerkennah est perdue par ce grand gâchis causé par une poignée d’irresponsables et de têtes brûlées. Une île perdue qui offre le spectacle d’une rare désolation, un spectacle où fleurit le marché de la contrebande, du banditisme, des hors-la-loi, en un mot de la loi de la jungle en l’absence de l’Etat.
Oui Kerkennah l’île vierge a perdu son charme, son calme, ses repaires, ses bonnes mœurs et ses bonnes traditions, en un mot Kerkennah a perdu, hélas, sa virginité.
Kerkennah, réputée par le patriotisme exemplaire de ses enfants, durant la lutte pour la libération et à travers l’histoire, elle a sauvé Habib Bourguiba en l’embarquant clandestinement en Libye. Elle a donné la vie de Farhat Hached pour que tout un pays devienne indépendant.
La danse de la destruction
Aujourd’hui, par l’ignorance et l’inconscience d’une minorité d’irresponsables et de têtes surchauffées, elle est devenue, hélas, une source de mal pour briser l’économie du pays et l’autorité de l’Etat, et mettre le pays à genou.
Le problème de Kerkennah est politique par excellence. Hizb Ettahrir est la première source de mal. Ce parti rêve de créer son «émirat islamique» dans l’île. Il fait tout pour que les forces de l’ordre soient absentes. Il pousse des innocents vers la débauche et fait tout pour paralyser l’île. Des extrémistes du Front Populaire se joignent à la danse de la destruction. Voilà comment les extrêmes se rencontrent.
Kerkennah attend des décisions fermes de l’Etat. Le responsable de l’union locale de l’UGTT à Kerkennah est aussi de la partie. Pire encore, selon le témoignage de plusieurs habitants de l’île, il est l’artisan de cette tragédie. Par inconscience et méconnaissance, par ignorance et par mauvais calcul, il s’est dressé volontaire pour cautionner les revendications des contestataire, pour soutenir et pour conduire la marche contre les forces de l’ordre publique, lorsque celles-ci ont tenté de lever le siège des installations pétrolières de la société Petrofac. Pire encore, il a décrété une grève générale contre l’autorité de l’Etat tunisien, pour soutenir des insurgés, qui ont pillé et brûlé des biens publics, qui ont porté atteinte à la sûreté de l’Etat. En un mot, il a semé le vent, il récolte aujourd’hui la tempête!
Un bilan lourd et douloureux
Le bilan de cette tragédie est, à la fin, trop lourd et trop douloureux. Trop lourd pour le trésor tunisien et pour le budget de l’Etat. La perte de ressources estimée à 200 millions de dinars, depuis le mois de janvier dernier, auxquels s’ajoutera un demi-million par jour, durant la période où les installations de Petrofac demeureront fermées.
L’Etat serait aussi acculé à débourser les pertes de la société Petrofac, estimées à 12 millions de dinars pour la partie britannique, auxquels s’ajouteront d’autres dommages !
Le bilan est aussi très douloureux pour Kerkennah, dans le cas où l’accord conclu, pour résoudre la crise ne serait pas concrétisé. Près de 250 salariés seront réduits au chômage, auxquels s’ajouteront indirectement d’autres dommages.
La centrale syndicale déclare solennellement, aujourd’hui, qu’elle n’a aucun lien avec le mouvement contestataire de Kerkennah. Elle lance un appel au gouvernement et à la société Petrofac pour trouver une solution rapide aux problèmes de Kerkennah. Soit ! Nous prenons acte de cette déclaration et nous l’enregistrons. Mais n’a-t-on pas entendu sur les ondes des radios et des télévisions, le jour de la grève générale décrétée par l’union locale de l’UGTT à Kerkennah, l’un des membres de l’UGTT, Samir Cheffi, se réjouir pour nous annoncer que cette grève fut suivie à 100%?
Je ne pourrais pas me pas faire remarquer à ce dernier qu’en prenant acte du bilan catastrophique des dégâts, il n’y a pas de quoi être fier! A sa place, j’aurai rougi de honte!
Je ne dirai pas plus. Mais la question qui me tracasse ces derniers temps, alors que Kerkennah et les Kerkenniens sont livrés à eux mêmes, est la suivante : où sont passés les membres de l’élite de Kerkennah? Ont-ils perdu leur sagesse au point qu’ils n’ont pas levé le bras pour essayer de mettre fin à la crise? Pourquoi ont-ils abandonné leur île natale à deux extrêmes opposés qui ont mis Kerkennah à genou?
Réveillez-vous nos chers compatriotes, votre pays a besoin de vous ! Kerkennah ne sera jamais un «émirat islamique». Elle n’aura ni émir, ni calife. Elle ne sera jamais, non plus, une dictature prolétarienne.
* Ancien secrétaire général adjoint de l’UGTT, ancien député 1981-1986.
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