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Crise de Nidaa : Que mijote le président Caïd Essebsi ?

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Caïd Essebsi est-il aussi étranger qu’il le dit à la crise de Nidaa?

La crise de Nidaa Tounes ne pourrait être réglée sans une implication directe du président Caïd Essebsi, le seul capable de contenir les ambitions des loups qui l’entourent et remettre de l’ordre dans la maison.

Par Salah El-Gharbi

Depuis quelques semaines, des rumeurs persistantes, susurrées par des hommes politiques et amplifiées par des «analystes politiques» de service, évoquent l’intention du président de la république Béji Caïd Essebsi (BCE) de fonder un nouveau parti ou un front d’«union nationale», qui remplacerait Nidaa Tounes, aujourd’hui en crise voire moribond, incapable d’assumer son rôle de barrage au retour des islamistes à la tête du pouvoir. Et comme pour donner une supposée crédibilité à la rumeur, certains journalistes vont jusqu’à citer des «sources proches de la présidence» qui, «sous couvert d’anonymat», auraient informé la correspondante du quotidien londonien ‘‘Al-Qods Al-Arabi’’ de cette soi-disant initiative présidentielle.

Un «nuage d’été» qui annonce une tempête

Si cette rumeur est dénuée de sens, c’est qu’elle est contredite par les propos du président Caid Essebsi qui, dans une interview accordée à ce même journal, avait qualifié la crise de Nidaa de «nuage d’été» qui finirait par se dissiper.

D’ailleurs, le chef de l’Etat, garant de l’unité nationale, commettrait-il l’imprudence d’abandonner, aussi ostensiblement, sa réserve pour se risquer dans une pareille aventure politique dont le succès est loin d’être assuré?

Certes, le président de république reste préoccupé par l’état de délabrement du parti qu’il avait fondé en juin 2012 et qui l’avait porté à la magistrature suprême en 2014, mais aussi par les conséquences de cette situation sur l’équilibre des forces, aujourd’hui favorable aux islamistes d’Ennahdha. Car, quoi qu’on dise, et même s’il cherche, depuis deux ans, à entretenir de bons rapports avec Rached Ghannouchi, le président du mouvement Ennahdha, BCE n’est pas dupe de la duplicité des islamistes – dopés par le récent triomphe des «frères» marocains et le succès des «frères» jordaniens – qui seraient capables de rafler la mise en 2019.

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Hafedh Caïd Essebsi: arme fatale ou talon d’Achille de Béji Caïd Essebsi?

En recevant, récemment, le co-fondateur de Nidaa, Lazhar Akremi, revenu à de meilleurs sentiments à l’égard de Hafedh, le fils du président de la république, patron autoproclamé de Nidaa, BCE lui aurait confié qu’il allait s’occuper du «problème de Nidaa» aussitôt le nouveau gouvernement bien installé dans sa mission. Or, depuis deux mois, malgré l’affaiblissement manifeste du rôle de Hafedh, le parti ne fait que s’enliser, chaque jour un peu plus, dans la crise, menaçant la cohésion même du groupe parlementaire déjà amputé d’une vingtaine de députés et fragilisant encore plus l’équilibre des forces au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

Ainsi, depuis l’investiture de Youssef Chahed, hormis les sournoises manœuvres du «conseiller» Noureddine Ben Ticha, aucune initiative politique nouvelle n’a émané du Palais de Carthage.

Certes, le président suit quotidiennement et de près l’évolution de son parti. Mais il reste prisonnier du temps politique. Selon lui, Youssef Chahed, jouissant d’une certaine sympathie à défaut d’une réelle autorité, serait l’homme idéal pour redynamiser le parti et le préparer au prochain congrès. Or, cette option, qui aurait pu constituer une réelle opportunité pour aider à redresser la situation du Nidaa, trouve de la résistance sinon un fort rejet de la part d’un groupe de frondeurs réunis autour de Abdelaziz Kotti et Khémaies Ksila (déçus de ne pas avoir été retenus dans l’équipe gouvernementale de Chahed), mais aussi Ridha Belhaj, Faouzi Elloumi, Boujemaa Remili et beaucoup d’autres, les uns par naïveté politique, les autres par calcul… D’ailleurs, l’échec de cette proposition présidentielle pourrait être imputé au fait qu’on ait confié à Hafedh le soin de la présenter aux cadres du parti.

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L’alliance avec Ennahdha n’a-t-elle pas épuisé tous ses objectifs? 

Qui veut enfoncer un coin entre Ennahdha et Nidaa?

Par ailleurs, si la supposée intention présidentielle de former un nouveau parti reste invraisemblable, il est légitime de s’interroger sur la partie qui est en train de propager ces rumeurs et sur son dessein. Cherche-t-on à faire réagir la présidence, à la sortir de son mutisme de façade et à l’amener à s’engager de manière directe dans l’assainissement de la situation au sein de Nidaa ? Serait-ce, au contraire, Noureddine Ben Ticha, la dernière recrue de la présidence, qui, en susurrant cette rumeur dans l’oreille de certains journalistes proches du palais, cherche à frapper d’une pierre deux coups : répondre aux critiques adressées à BCE à propos de son alliance avec Ghannouchi et Ennahdha et, en même temps, intimider les voix discordantes au sein de Nidaa ? Serait-ce plutôt une manœuvre politique qui viserait à déstabiliser Ennahdha, à susciter la méfiance de son chef à l’égard de BCE et à enfoncer un coin entre Ennahdha et Nidaa?

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas, pour le moment, d’autre solution pour le rétablissement de l’équilibre des forces politiques en Tunisie, que la résolution de la crise endémique de Nidaa. Or, cette crise, longtemps sous-estimée par la présidence, qui l’a laissée pourrir, ne pourrait être réglée sans une action ferme et diligente de Béji Caïd Essebsi, le seul capable, à la fois, de contenir les ambitions de son fils – encore faut-il qu’il en ait vraiment la volonté, ce dont on est en droit de douter –, de mettre de l’ordre dans la maison et de redonner un nouveau souffle à Nidaa Tounes. Le ferait-il ? Et quand ? Les carottes étant presque déjà cuites et les élections municipales se profilent à l’horizon qui risquent de marquer le retour en force des islamistes. Et la mort de Nidaa…

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