‘‘Woh !’’, qui vient de sortir en salles, attire le grand public, venu apprécier cette comédie 100% tunisienne., où l’humour ne vole pas très haut.
Par Fawz Ben Ali
Il s’agit du premier long-métrage de la jeune réalisatrice Ismahane Lahmar, qui, jusque là, ne s’était intéressée qu’aux courts-métrages, reportages politiques et clips-vidéos.
Distribué par Lassaad Goubantini, le film est en partie financé par le public qui a été sollicité d’accorder la somme symbolique d’un dinar par l’envoi d’un SMS.
Le casting réunit de grands noms du cinéma et de la télévision : Fatma Ben Saïdane, Hichem Rostom, Slah Msaddak, Naïma Jéni, Jamila Chihi, Nadia Bousetta, ou encore le rappeur Kafon…
L’homophobie banalisée
Le film brosse le portrait d’une famille tunisienne de la haute société. La mère (jouée par Fatma Ben Saïdane) est une mère poule, autoritaire, et que ce soit avec son mari ou ses enfants; elle a toujours le dernier mot. Le père (Hichem Rostom), quant à lui, est quasi absent; il ne porte d’intérêt qu’au foot, se transformant en un vrai adolescent lors des matchs derby. Et puis il y a leur fils Slim, un trentenaire célibataire, excessivement gâté par sa mère qui le traite comme un enfant roi. Toutes ses sœurs sont mariées sauf la petite dernière avec qui il dispute la vedette à la maison. Le mariage de cette dernière avec Kafon (qui joue ici son propre personnage de rappeur) coïncide avec l’anniversaire de son frère. Et c’est là qu’éclate la guerre entre les deux cadets de la famille. L’intrigue du film est en effet construite autour de cette rivalité, qui prend forme dans des scènes d’enfantillage au vrai sens du terme.
Slim, l’enfant gâté, accapare l’attention de tous…
Slim accapare l’attention de tous et surtout de sa mère qui proposera même de reporter le mariage de sa fille afin de mieux préparer l’anniversaire de son chouchou.
Slim, qui travaille dans une banque, dirigée par son beau-frère, se permet tous les excès (arrive souvent en retard et reste scotché à son portable durant les heures de travail). Notre personnage principal est donc un fils à maman immature et irresponsable, mais notre cauchemar ne s’arrête pas là puisque Slim est également obsédé par sa «chanteuse» préférée Najla Tounsia, qu’il veut à tout prix inviter à son anniversaire, comme si la médiocrité artistique n’était pas suffisamment représentée par Kafon.
Au bout de sa rage, la sœur cadette élabore un plan à l’aide de sa belle-sœur Frederica (jouée par Mariem Ben Chaaben, peu crédible dans son rôle d’Italienne) afin de ruiner l’anniversaire et mettre fin à la vie royale de son frère. Pour cela, il suffira de faire croire que Slim est homosexuel. A cette annonce, la mère est effondrée, «Non! Mon fils ne peut pas être homosexuel!», hurle-t-elle.
Dès lors, le fils, longtemps gâté, est désormais méprisé; sa seule chance de regagner l’amour maternel est de se marier le plus tôt possible. On l’ignore comment, mais Slim se marie avec la propriétaire du centre d’esthétique squatté par ses sœurs, alors que, jusque-là, ils n’avaient jamais échangé plus de deux mots tout au long du film. Mais ce n’est pas le pire dans ce scénario décousu, ce qui est alarmant dans cette comédie grand-public c’est la banalisation de l’homophobie. «Et alors?», semble accroire le film, puisqu’on va jusqu’à en rire.
Naima El Jeni, dans son éternel rôle de femme de ménage.
Clichés recyclés et vannes de mauvais goût
En plus de l’intrigue, qui est d’une simplicité agaçante, la famille tunisienne est faussement et ridiculement représentée et la femme en prend pour son grade puisque les femmes dans ce film ne travaillent visiblement pas et passent la moitié de leur journée dans un centre d’esthétique, d’une séance de manucure à une autre.
Inutile de chercher dans ce film la moindre morale ou le moindre message. L’objectif se résume à faire rire, mais même là on n’y arrive pas. La réalisatrice a puisé son inspiration dans des clichés recyclés pour en extraire des vannes de mauvais goût, introduisant quelques gros mots dans les dialogues pour pimenter la sauce de sa sitcom qui ne répond pas aux codes du 7e art.
La direction d’acteurs est lamentable, car à force de sur-jouer, tout sonne faux. Naïma El Jéni joue pour la énième fois le rôle de la femme de ménage qui n’aura droit qu’à une seule réplique.
La comédie est un art aussi exigeant que tout autre genre cinématographique. Pour réussir son coup, Ismahane Lahmar aurait dû avoir plus d’une corde à son arc, car un casting de choc est loin d’être suffisant.
Donnez votre avis