Les islamistes appréhendent à juste titre l’accession de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis et pour cause : il les déteste cordialement.
Par Imed Bahri
Depuis l’élection de cet homme d’affaires, dont les déclarations sur les musulmans et les islamistes durant la campagne ne laissent aucun doute sur la suspicion voire la détestation où il les tient, les dirigeants d’Ennahdha, le parti islamiste tunisien, multiplient les déclarations lénifiantes dans une volonté évidente de minimiser le changement pouvant affecter la politique étrangère américaine concernant l’islam politique en général et leur mouvement en particulier. «Ce sont les terroristes qui ont le plus à craindre», ne cesse de répéter Rached Ghannouchi et ses «frères musulmans», tout en vantant sans cesse les mérites de la «démocratie islamique», en donnant en exemple leur propre mouvement et le rôle qu’il a joué dans la transition démocratique tunisienne.
Walid Phares et Donald Trump.
Le grand affrontement à venir
Cependant, et quand on voit la hâte avec laquelle M. Trump est en train de mettre à exécution son programme électoral, on peut raisonnablement s’attendre à ce que la politique des Etats-Unis vis-à-vis du Moyen-Orient et du monde arabo-islamique particulièrement subisse quelque réaménagement et ce ne sera sans doute pas au bénéfice des musulmans et, encore moins, des islamistes, toutes tendances confondues, sachant que d’Ennahdha à l’organisation terroriste de l’Etat islamique (Daêch), en passant par Hizb Ettahrir, Ansar Charia ou autres Al-Qaïda, la différence est une question de méthode et non de principe, le fond idéologique étant pratiquement le même.
Les services de renseignement internationaux, qui les connaissent bien, savent que les affinités voire les passerelles entre tous ces mouvements sont nombreuses. Et cela Trump ne risque pas se s’y tromper, comme son prédécesseur Barack Obama qui, on le sait, avait joué la carte de ce qu’on appelle l’islamisme modéré… pour, croyait-il, isoler les mouvements extrémistes.
Dans un article intitulé «Maghreb : qui murmure à l’oreille de Trump?» publié par ‘‘Le Point Afrique’’, notre confrère Benoît Delmas a indiqué que, concernant le monde arabo-musulman, l’actuel locataire de la Maison Blanche fait confiance aux analyses (pour le moins anti-islamistes) d’un professeur de sciences politiques, chrétien maronite né au Liban et citoyen américain, Walid Phares, qui sévit depuis 10 ans sur Fox News, la chaîne d’information de Rupert Murdoch. Et apparaît très souvent sur les chaînes d’information arabes pour commenter l’actualité américaine.
Walid Phares a pris une part active dans la campagne de Trump.
Un anti-islamisme sans nuance
Le journaliste français basé à Tunis a rappelé, à juste titre, que Phares, qui fut le conseiller du candidat républicain Mitt Romney en 2011-2012, est l’auteur d’un essai ‘‘The Coming Revolution : Struggle for Freedom in the Middle East’’ publié en 2010 où il anticipait l’avènement de ce que l’on appellera «le Printemps arabe». Il prévoyait aussi un «grand affrontement» entre les anti-islamistes (la société civile) et les Frères musulmans.
Dans un second ouvrage ‘‘The Lost Spring : U.S. Policy in the Middle East and Catastrophes to Avoid’’, publié en 2014, Phares tirait à boulets rouges contre l’administration Obama qui, selon lui, a soutenu les Frères musulmans et dédaigné la société civile, qui a fait la révolution dans les pays arabes en 2011.
Ces analyses, qui trahissent un anti-islamisme sans nuance, ont d’ailleurs beaucoup plu à Trump qui a fait de Phares son conseiller pour la région Moyen Orient et Afrique du Nord (Mena). Et on peut s’attendre à ce que la position de Washington concernant les Frères musulmans et les autres mouvements islamistes dans la région, y compris Ennahdha, soit révisée, surtout que les lobbys pro-islamistes aux Etats-Unis ont choisi le mauvais camp durant la campagne pour la présidentielle, en appelant ouvertement à voter Hillary Clinton et en menant une campagne violente contre son adversaire.
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