La société civile de Sfax poursuit sa mobilisation pour le démantèlement de l’usine de la Siape et la garantie des droits des travailleurs et de la dépollution du littoral.
Par Dr Abdeljalil Gdoura *
Tout le monde s’accorde qu’un développement durable à Sfax passe impérativement par l’amélioration de l’environnement et en particulier la fermeture et le démantèlement de l’usine de la Siape, une usine en activité depuis 1952, très polluante, amortie, obsolète, ayant défiguré la ville et confisquant un bonne partie du littoral sud de la ville.
Le Groupe chimique tunisien (GCT) veut développer une activité chimique alternative (le SSP : single superphosphate) qui prendrait le relais au niveau du site de la Siape à Sfax, et prétend que cette activité n’est pas polluante.
Au vu de l’historique de l’usine avec ses différentes extensions toujours polluantes malgré les contestations, la société civile n’ayant plus confiance aux déclarations des responsables du GCT, avance les arguments contre toute activité chimique sur le site de l’usine.
D’abord, quoi qu’on dise, il n’y a pas d’activité chimique de ce genre qui n’est pas polluante.
Ensuite, le phophogypse est présenté actuellement par certains comme une richesse : dans le monde 5 % uniquement de ce déchet sont utilisés, les tentatives de valorisation de ce déchet ne sont pas rentables.
Toutes les études faites auparavant dans le cadre de la Stratégie de développement du Grand-Sfax 2016 (SDGS 2016), SMAP III… avant et après la révolution ont envisagé la fermeture de la Siape et la dépollution du littoral sud (ministère de l’environnement en 2008 : l’étude faite par Comete Engineering avance même les coûts de la dépollution), la fermeture et le démantèlement de l’usine est un choix et une décision de la région.
Le SSP, le prétendu nouveau produit utilisera du phosphogypse du terril mais aussi d’autres produits qu’on va amener au centre-ville à Sfax (du triple superphosphate TSP…) donc avec plus de problèmes de pollution et de surcoût de transport.
Pour le terril de phosphogypse de la Siape : la meilleure solution est d’isoler ce terril et de proposer la valorisation du site, l’expérience du projet Taparura avec le terril de la NPK (une usine similaire au nord de la ville fermée en 1992) est une réussite citée en exemple dans les instances scientifiques dans le monde (présentée à l’Agence internationale à l’énergie atomique), des scénarii de valorisation ont été cités dans la SDGS 2016.
Manifestation du 14 janvier 2016.
Supposant que le nouveau produit est intéressant, les plus grandes quantités de phosphogypse qui posent des problèmes se trouvent sur les autres unités de production du GCT, à Gabès et Skhira, leur traitement avec ce procédé serait plus bénéfique, débarrasserait ces régions de ce déchet et coûterait moins cher qu’au site de la Siape à Sfax.
Le terril de phosphogypse à Sfax représente 30 millions de tonnes, son traitement, selon la nouvelle technique, prendrait plus de 2 siècles et son transport pour l’exportation par le port est encore plus polluant, sans parler des problèmes de trafic urbain qu’il va engendrer.
Le GCT n’est pas en droit de décider tout seul une conversion de ses activités polluantes sans autorisation préalable des différentes institutions des différents ministères de tutelle mais aussi sans l’avis de la région représentée par ses députés, la municipalité et sa société civile qui a adressé plusieurs lettres aux décideurs réclamant la fermeture et le démantèlement de l’usine de la Siape et refusant toute activité chimique alternative sur le site
La production du SSP se fait selon deux procédés, le procédé «breveté» et proposé par le GCT, se fait par mélange physique et dégage des gaz fluorés et soufrés. C’est un mélange de phosphogypse et de TSP et la question qui se pose : où est passé le TSP (out of specification) produit depuis 60 ans? Et pourquoi il n’est pas réintégré dans le circuit de fabrication du TSP noble au lieu de le mélanger avec le phosphgypse et le vendre ainsi à un prix dérisoire ? En réalité, il est réintégré mais le GCT essaie de dire le contraire (c’est comme si on mélange de l’huile d’olive extra vierge avec des grignons d’olive «fitoura» pour vendre cette dernière).
La fermeture et le démantèlement de la Siape aidera la ville à récupérer 5600 hectares, l’aménagement de cette réserve permettra de créer un nouveau pôle urbain, de renforcer le potentiel économique de la région, la Siape peut développer sur son site, après dépollution, des activités propres (centre de recherche, centre de formation, technopôle…)
Après la grande marche réussie le 14 janvier 2016, et en absence d’une date précise de l’arrêt de toute activité phosphatée en ville, la société civile à travers le collectif Développement et environnement, qui réunit plusieurs associations et organisations professionnelles actives de la région, a entamé des démarches auprès des décideurs des différents ministères mais la date de fermeture tarde à être annoncée, une mobilisation citoyenne a été décidée le 22 février courant, le combat cette fois ne s’arrêtera pas tant que les revendications de la région ne sont pas satisfaites: la fermeture et le démantèlement de l’usine avec interdiction de toute activité phosphatée sur le site tout en préservant les droits des travailleurs de l’usine, dépollution de tout le littoral sud.
Forte d’une jeunesse impliquée et appliquée, la société civile avec toutes ses composantes est déterminée à en finir aspirant à une meilleure qualité de vie.
Le droit à un environnement sain est garanti par la constitution, Sfax est un pôle économique qui regorge de potentialités et peut mieux contribuer à l’effort de développement national si on améliore la qualité de vie, une orientation se dessine déjà vers les secteurs de la santé, des technologies et de l’économie du savoir, des secteurs à haute valeur ajoutée qui s’inscrivent dans la stratégie nationale de développement.
* Association Beitelkhibra – Collectif Environnement et Développement
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