Dans son entretien, hier soir, sur la Wataniya 1, le président Caïd Essebsi a voulu passer un message d’espoir aux Tunisiens qu’il a exhorté à travailler davantage.
Par Abderrazek Krimi
Dans les fêtes nationales, et particulièrement celle de l’indépendance, l’usage a toujours fait que le président de la république s’adresse au peuple par un discours. Cette année, et à l’occasion du 61e anniversaire de l’indépendance, Béji Caïd Essebsi a décidé de déroger aux habitudes en accordant un entretien à la chaîne de télévision nationale Wataniya 1, qui a été diffusé dans la soirée d’hier, lundi 20 mars 2017.
Les questions relatives à la promulgation des lois sur la réconciliation nationale et la consommation de cannabis et au gouvernement d’union nationale ont été les moments forts de l’entretien, le chef de l’Etat ayant répondu à toutes les questions avec l’aisance habituelle mais, cette fois, sans cet humour qu’on lui connaît, la situation dans le pays étant assez difficile pour autoriser une quelconque légèreté.
Le gouvernement est satisfait de Neji Jalloul
À propos du gouvernement d’union nationale, qui a connu quelques orages ces dernières semaines, notamment avec le retrait de quelques composantes signataires de l’Accord de Carthage, le président de la république a affirmé que le désistement d’une partie ne signifie nullement l’échec de cette initiative, par allusion à l’Union patriotique libre (UPL) de l’homme d’affaires Slim Riahi, qui a préféré rejoindre les rangs de l’opposition plutôt que de rester du côté d’un gouvernement auquel il ne croit plus. «Ce n’est pas parce que Slim Riahi n’est plus avec nous que le gouvernement n’est plus d’union nationale», a répliqué que M. Caïd Essebsi, affirmant, dans ce contexte, que le plus important est que les points sur lesquels ont convergé les parties signataires de l’accord rassemblent encore une majorité de forces politique et de représentants de la société civile. Ce qui leur confère, selon lui, la consistance d’un programme de gouvernement d’union nationale.
Interrogé sur les dernières crises connues par le gouvernement Chahed, notamment suite au limogeage d’Abid Briki et du différend qui l’oppose aux syndicalistes de l’enseignement secondaire exigeant le limogeage du ministre de l’Education, Neji Jalloul, le président de la république a précisé que sa rencontre avec l’ancien ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, immédiatement après son limogeage, a eu lieu à la demande de ce dernier et ne devrait pas être interprétée comme un affaiblissement des positions et prérogatives du chef du gouvernement.
Concernant l’affaire Neji Jalloul, le locataire du Palais de Carthage a indiqué qu’il n’y a aucun différend entre le ministre et le bureau exécutif de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), affirmant, dans ce cadre, que le gouvernement est satisfait du bilan du ministre de l’Education et qu’il n’a, par conséquent, aucune intention de le limoger.
L’urgence de la réconciliation économique
Le sujet central de l’entretien fut le projet de loi sur la réconciliation économique et financière, qui a été modifié par la présidence de la république et renvoyé pour la 2e fois devant le parlement.
Le président de la république a exposé les principaux points ajoutés au nouveau projet tel que l’élargissement de la commission de la réconciliation qui inclut désormais des magistrats, des experts comptables et des représentants de la société civile. Il a précisé, par ailleurs, que l’amnistie ne sera accordée qu’aux fonctionnaires qui appliquaient des directives provenant de leurs supérieurs, n’ont tiré aucun bénéfice personnel en faisant ce travail et pour qui l’accusation de malversation et de recel de biens sociaux n’a pas été prouvée.
Béji Caïd Essebsi a en outre insisté sur l’importance de promulguer rapidement ce projet de loi vu son impact attendu sur la relance de l’investissement intérieur, sachant que les poursuites judiciaires pour corruption sont suspendues comme des épées de Damoclès sur la tête des hauts commis de l’Etat ayant travaillé avec l’ancien président Ben Ali et beaucoup d’hommes d’affaires, qui hésitent à investir de nouveau.
Il est, par ailleurs, à rappeler, qu’un groupe d’experts a été désigné par le président de la république pour réviser ce projet de loi et que plusieurs nouvelles mesures ont été prises dans le nouveau texte.
La procédure de réconciliation concernera deux catégories : les hauts fonctionnaires de l’Etat qui ont commis des actes dans le cadre de leur travail sans en tirer profit pour eux mêmes et les hommes d’affaires qui ont perçu un financement de l’Etat pour la réalisation de projet publics qu’ils n’ont pas honorés.
Le chef de l’Etat a d’autre part réitéré son refus de l’incarcération des primo-consommateurs de cannabis, rappelant, dans ce cadre, les mesures prises par le Conseil de sécurité national réuni le 10 mars 2017 sous sa présidence.
Le dossier du terrorisme a, également, été abordé par Beji Caïd Essebsi, qui s’est félicité des progrès réalisés par les forces sécuritaires et armées dans la lutte contre ce fléau, en indiquant, en même temps, qu’on est encore loin de l’avoir totalement éradiqué.
Responsabiliser les Tunisiens
Beji Caïd Essebsi, qui a été très calme, aidé en cela par les questions inoffensives de son interviewer, Mourad Zeghidi en l’occurrence, a voulu passer un message d’espoir qui responsabilise aussi les Tunisiens, qu’il a appelés à travailler pour aider à la relance économique.
En réponse à une question sur les diktats imposés par les bailleurs de fonds internationaux, notamment le Fonds monétaire international et la Banque mondial, il a souligné que le recours à ces instances financières internationales a été dicté par la situation difficile des finances publiques. «Ce ne sont pas eux qui ont voulu nous prêter de l’argent. C’est nous qui les avons sollicités pour des prêts», a-t-il précisé.
Sans chercher à faire le bilan des deux ans et demi qu’il a passés à la tête de l’Etat – une évaluation à mi-mandat selon les usages –, M. Caïd Essebsi s’est montré confiant quant à l’avenir à court et à moyen terme de la Tunisie.
Donnez votre avis