La condamnation de Lazhar Bououni, l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur sous Ben Ali, à 6 ans de prison, a provoqué une véritable controverse sur la scène politique.
Par Abderrazek Krimi
La chambre criminelle du tribunal de première instance de Tunis a rendu un verdict pour le moins surprenant contre l’ancien ministre dans l’affaire de réorientation universitaire de la fille de Sahbi Amri, conseiller de l’ancien président Ben Ali.
Six ans de prison pour avoir exécuté une instruction de l’ancien président de réorienter une étudiante vers une section à laquelle sa moyenne au bac ne lui permet pas d’accéder est, en effet, très chèrement payé.
Ce nouveau verdict s’ajoute à d’autres, rendus récemment, qui traduisent une volonté de se venger des anciens ministres de Ben Ali. Il rappelle la condamnation à la même peine des anciens ministres de Ben Ali: Kamel Hadj Sassi, Tijani Haddad et Samira Khayache, dans l’affaire du gala de Mariah Carey en 2006, et Habib Ben Yahia dans celle du terrain de Sidi Dhrif, qui n’ont fait tous qu’exécuter des ordres émanant du Palais de Carthage.
On ne sait pas à qui sera le tour prochainement ni quand on va sortir de cette spirale de la haine, se demandent les observateurs.
Outre la volonté de vengeance, le caractère sélectif de cette affaire de Lazhar Bououni saute aux yeux, car, au même moment, d’autres cas similaires n’ont pas fait l’objet de poursuite judiciaire.
On cite, notamment, celui de la fille d’Abid Briki, l’ancien membre du bureau exécutif de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et ex-ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance, qui a été réorientée vers la faculté de médecine bien que sa moyenne au bac ne le lui permettait pas, une opération que M. Briki a reconnue publiquement dans un entretien avec la chaîne El-Hiwar Ettounsi.
On sait aussi que les interventions dans l’orientation universitaire sont, jusqu’à aujourd’hui, monnaie courante et à chaque rentrée universitaire, sans que cela n’émeuve grand-monde.
Condamner, pour si peu, pourrait-on dire, un ancien ministre à 6 ans de prison comme s’il a commis un crime irréparable, n’arrange pas l’image de la justice tunisienne dont les errements sont devenus criards et qui n’offre pas une image rassurante de sérénité, de rigueur et de crédibilité.
En tout état de cause, ces verdicts qui visent les ministres et hauts responsables de l’ancien régime, incitent à se poser des questions sur l’utilité de la justice transitionnelle, dont l’objectif ne semble pas être de faire connaître les abus du passé, de rendre justice aux victimes et de tourner la page du passé, mais de punir les anciens responsables, même ceux qui n’ont fait qu’exécuter des directives venant de l’ancien président sans avoir tiré le moindre profit personnel. A ce rythme-là, le plus gros de l’administration publique pourrait y passer…
Il n’y a pas pire, on le sait, qu’une justice politisée pour faire échouer une transition politique qui avance cahin-caha et un processus démocratique déjà largement miné par la corruption.
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