Ces imams syndiqués qui veulent interdire le vin et fermer les discothèques ne sont, en réalité, que des rabbins musulmans, repus des règles judaïques d’exégèse.
Par Farhat Othman *
On sait que l’islam, dès la révélation, a subi les assauts des juifs pour en altérer le message, revenir à la Bible qu’il est venu rectifier. D’où les fameuses «israiliyat», règles judaïques d’exégèse. C’est ce que font, aujourd’hui, certains de nos imams, ces rabbins de l’islam qui se réfèrent moins au Coran qu’à la Torah.
Une foi altérée par la tradition judaïque
Ces «israilyet» sont la tradition judéo-chrétienne, surtout judaïque, répudiée par les siens, mais à laquelle s’attachent nos imams intégristes. Ainsi, le dernier appel de leur syndicat à l’interdiction de l’alcool en Tunisie et à la fermeture des discothèques n’est valide que du point de la Torah qui est une négation de tout ce que l’islam est venu autoriser.
Car l’islam, et on l’a démontré, n’interdit pas l’alcool, que cela soit en consommation ou à la vente, mais juste l’ivresse; et il n’interdit pas tout ce qui est de nature à permettre à l’humain d’assumer sa nature, dont le jeu et les moments de détente; ce qu’assure une discothèque.
L’islam est donc bien loin de la caricature judaïque qu’en font nos imams-rabbins que ce soit sur les questions précitées ou encore bien d’autres, comme le sexe, y compris homosensuel (ou homosexuel) et les drogues douces, tellement admises dans les sociétés islamiques qu’elles étaient appelées l’herbe des pauvres.
Par leur religiosité excessive, nos rabbins se présentant en imams ne sont que des religieux chrétiens protestants, américains notamment, qui ont longtemps imposé la prohibition aux États-Unis et qui sont, par exemple, derrière l’anathème jeté sur le cannabis, bien moins nocif que le tabac auquel on n’ose toucher malgré les ravages qu’il occasionne. Il est donc bien temps que le parti supposé s’inspirer de la religion musulmane cesse d’appliquer ainsi la Bible, surtout l’Ancien Testament !
Or, il ne le fera pas tant que ses appuis, de l’intérieur comme de l’extérieur, ne l’y obligent. Car il trouve un soutien auprès de supposés modernistes poltrons, sinon salafistes profanes, et surtout auprès de celui qui se croit encore le seigneur du monde, dont il est juste saigneur, et dont la politique est frelatée par sa religiosité protestante. On sait d’ailleurs, depuis Weber, ce que le capitalisme, surtout sauvage, puise dans la piété protestante.
Un syndicalisme vicié par la religiosité
Mais l’atout maître des islamistes reste ce qu’il a réalisé durant les années troïka (la coalition gouvernementale conduite par le parti islamiste Ennahdha, Ndlr) ayant passé son temps à la tête du pays à noyauter la moindre de ses structures pour y assurer sa pérennité; ce qui explique la faillite de l’État. Et sa réussite est éclatante dans l’Administration et dans le mouvement syndical.
On le voit bien avec ces imams syndiqués qui se ridiculisent en singeant ce qui s’est fait de plus mauvais chez l’Oncle Sam. Pour comprendre comment le syndicalisme a été noyauté, il suffit de lire Ghannouchi retraçant l’expérience de son parti en Tunisie, entendant faire du syndicalisme une arme de pointe. C’est pour cela qu’Ennahdha a tout loisir, aujourd’hui, de jouer sur du velours, soignant une image supposée modérée tout en agissant en sous-main par l’intermédiaire de clones partout disséminés en vue de ne rien lâcher en dogmatisme.
Ce machiavélisme islamiste est d’autant plus pernicieux qu’il est encouragé par un Occident réveillé à ses démons judéo-chrétiens, et qui a intérêt à ce qu’il y ait pareilles dérives islamistes qui contribuent, sans nul doute, à altérer encore plus l’image de l’islam, lui ôtant ses lumières. Ce qui permet de maintenir l’illusion des Lumières d’Occident éteintes depuis longtemps. D’autant qu’en islam, avec des religieux singeant ses religions, on en est venu à créer des autorités n’ayant nulle place en islam, auxquelles ont a voulu soumettre le croyant, alors qu’il n’a à se soumettre qu’à Dieu et à lui seul. Voilà l’islam devenu judéo-chrétien!
Aussi continue-t-on jusqu’à nos jours à appliquer les lois du colonisateur chrétien en matière d’alcool et d’homosexualité, par exemple ! Ainsi voit-on des imams dire n’importe quoi, relevant d’une autre religion que l’islam, le prophète ayant exclu tout rigorisme. Car notre foi encourage les jeunes à s’amuser, assumer leur être avec ses pulsions, tout en veillant juste à les maîtriser, ce qui interdit de se consumer en une religiosité ne relevant pas de cette foi humaniste.
L’obscurantisme est aussi occidental
C’est parce que ses Lumières sont éteintes que l’Occident cherche à éteindre la moindre lumière ailleurs, se targuant de son passé, tout comme le font les salafistes. D’où Daech, une création occidentale avec la complicité de l’Anté-islam wahhabite; d’où aussi l’alliance capitalislamiste sauvage qui nous a valu le cauchemar d’Ennahdha au pouvoir.
Car il s’agit bien de cauchemar, puisque ce parti a fait preuve éclatante de son incapacité rédhibitoire à évoluer, se transformer en démocratie musulmane, comme il le prétend. Jour après jour, malgré les conseils sincères que lui donnent quelques justes, il s’enferre dans son dogmatisme et son obsession du pouvoir. Et il ne s’agit pas de n’importe quel pouvoir, celui qu’il veut utiliser pour islamiser de force une Tunisie qui est déjà bien plus musulmane que lui.
On l’a dit, l’Occident soutient nos supposés musulmans parce que c’est son intérêt; ils reproduisent une caricature de l’islam qui lui convient. Surtout, qu’il se refuse à accepter l’islam seul authentique, l’islam soufi, en Ultime Testament, foi des droits et des libertés.
C’est ce dont ne veulent pas non plus nos islamistes qui se placent volontiers, malgré leurs dénégations, sous la férule de cet Anté-islam qu’est le wahhabisme et la haine judéo-chrétienne ancestrale de l’islam.
Car si l’islam était appliqué dans sa lecture authentique incarnée par le soufisme, seul islam véritable, il serait la foi de cette époque, une religion postmoderne. En effet, tous les acquis de la modernité ont été consacrés par l’islam qui a été moderne avant la lettre; c’est ce que j’ai qualifié de rétromodernité.
Sortir de l’impasse salafiste
Dans un pays de droit, il n’y a que la loi pour permettre une sortie, ne serait-ce que sur le plan théorique, de l’impasse actuelle. Aussi, au plus vite, il importe de voter des lois concrétisant les droits et des libertés consacrées par la Constitution dans tous les domaines sensibles qu’on prend bien soin d’ignorer. Et qu’on ne se targue pas des valeurs de l’islam, ce clou de « Jha » planté au cœur même de la Constitution par des islamistes roublards. Il ne faut surtout pas tomber dans le piège, comme le font les salafistes profanes, les laïcistes surtout, et oser donc revendiquer ces droits et libertés au nom même, mais de l’islam correctement lu et interprété.
On l’a assez dit et répété, contrairement à la Bible, l’islam n’a pas condamné le sexe, y compris l’homosexualité, et il a élevé le statut de la femme — qui n’a pas été, contrairement au judaïsme et au christianisme, obligée de se voiler — au point de lui consacrer une part successorale fixe en un temps de machisme exacerbé. En cela, il a initié le processus de l’égalité successorale que nos islamistes refusent et qui doit se faire au nom de l’islam.
Bien évidemment, l’islam vrai a également encouragé le comportement libre et responsable des humains ne devant se soumettre à Dieu. Aussi, il n’a nullement interdit le commerce et la consommation d’alcool, invitant juste à ne pas en abuser, surtout pour faire la prière. De même, la drogue douce qu’est le cannabis n’a pas été interdite ayant été tellement de consommation courante, qu’elle a été appelée herbe des pauvres.
Sur toutes ces vérités, nos islamistes d’aujourd’hui n’appliquent plus l’islam, mais un fiqh judéochrétien, conçu déjà par des jurisconsultes pour leur époque encore sous l’emprise de la loi religieuse judaïque et chrétienne contre laquelle s’est justement élevé l’islam.
De plus, comme l’a démontré Ibn Khaldoun, ces docteurs de la loi étaient influencés par la tradition judéo-chrétienne et n’ont fait que l’introduire en islam en altérant le sens ne devant se comprendre que par ses visées humanistes. Et il est temps de dire les choses telles qu’elles sont : nos imams rigoristes ne relèvent pas de l’islam; ils appliquent la Bible, surtout l’Ancien Testament, plutôt que le Coran, Ultime Testament, foi de cette époque, un islam postmoderne.
* Ancien diplomate, auteur de ‘‘L’exception Tunisie’’ (éd. Arabesques, Tunis 2017).
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