Après avoir réussi sa transition démocratique, la Tunisie semble décidée à mettre en place les conditions de son essor économique.
Par Jamel Dridi
Tunis est résolument décidée à écrire son histoire économique. Conférence internationale Tunisie 2020, les 29 et 30 novembre 2016, vote d’une loi favorable aux investissements début 2017 et offensive diplomatico-économique en direction de l’Afrique subsaharienne ces jours-ci, la stratégie tunisienne est clairement de faire rimer transition démocratique et relance économique.
Si, objectivement, de par le niveau d’instruction de sa population et la qualité de ses infrastructures, la Tunisie a toutes les chances de réussir son pari, dans les faits, il faudra qu’elle s’astreigne à respecter un incontournable triptyque.
Défendre le Tunisian State Branding
«La conférence Tunisie 2020 nous a de nouveau rendus visibles sur les radars économiques du monde», a déclaré Mohamed Fadhel Abdelkefi, le ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, qui, avec son équipe, a effectivement bien joué sur ce dossier.
La conférence, internationalement reconnue comme étant une réussite et largement médiatisée sur beaucoup de supports de communication écrits et sur les réseaux sociaux, a redonné une nouvelle visibilité mondiale à la Tunisie en dissipant le brouillard des doutes sur l’état de son économie qui s’était épaissi à partir de 2011.
Et cette visibilité positive, en ces temps où l’information influence aussi vite qu’elle se propage, est sans doute l’un des piliers essentiels de la réussite économique d’un pays. Mais si la Tunisie a réussi «ce coup», qui lui permettra pendant quelques temps de capitaliser sur cette image positive, elle doit désormais s’inscrire dans une démarche structurelle de défense de son brand.
Youssef Chahed à l’ouverture de la conférence Tunisie 2020.
C’est une véritable et constante musique de fond médiatique qu’il faut entretenir, à l’échelle mondiale, sur les réseaux sociaux via des influenceurs ou micro-opérations de communication ciblées. En ces temps d’hyperconnection mondiale où l’information arrose continuellement le simple citoyen comme le top dirigeant, il ne s’agit plus d’avoir une simple démarche de communication mais bien d’adopter une posture informationnelle énergique voire «agressive».
Sur ce sujet, qu’en ces temps d’influence, il faut noter que les recours jadis efficaces aux communiqués étatiques, même frappés du sceau de l’autorité officielle, ou les recours aux importants cabinets de communication ont perdu de leur portée.
En tous cas, cette protection dynamique du state branding revêt actuellement une importance d’autant plus particulière que de plus en plus d’Etats ou d’acteurs privés importants utilisent des outils sophistiqués pour mener de véritables guerres informationnelles afin de saper l’image d’adversaires étatiques et in fine de les affaiblir économiquement.
Monter sur le ring diplomatico-économique
De façon quasi-inédite, pour la Tunisie en tous cas, le chef du gouvernement Youssef Chahed s’est lancé, depuis janvier 2017, dans un véritable marathon diplomatico- économique en direction des pays africains subsahariens. L’objectif étant de renforcer les liens avec ces pays, dont le potentiel économique était jusque-là peu exploré. Et les enjeux sont clairs, davantage exister sur ces marchés dans le cadre d’un jeu gagnant/gagnant.
Ainsi, si le dossier tourisme, en raison de son importance, notamment sur le marché de l’emploi et les recettes en devises, reste une priorité pour les décideurs tunisiens, il ne s’agit plus de s’y cantonner. Tunis, par cette démarche diplomatico-économique active, sort définitivement de sa zone traditionnelle de confort.
Mais là aussi, il faut viser juste dès le départ. En effet, si la démarche est à souligner positivement, elle doit se faire selon une méthodologie précise. L’Afrique n’est pas un farwest vide de toute concurrence. La Chine s’y active, les pays d’Europe y sont traditionnellement présents ainsi que les Etats Unis. Quant à la Russie, elle s’y développe. Ainsi que l’Inde et la Turquie.
Quand les responsables de ces pays se rendent dans les pays africains, ils y vont avec les fleurons de leur économie : ces entreprises vitrines qui serviront ensuite d’«ouvreurs de portes» aux plus petites PME qui suivront.
Récente tournée du chef du gouvernement Youssef Chahed en Afrique subsaharienne (ici au Niger).
Garantir la stabilité gouvernementale
Même si ce n’est pas la seule raison, l’instabilité gouvernementale depuis 2011 a considérablement affaibli économiquement la Tunisie. Les statistiques qui vont suivre sont d’ailleurs édifiantes!
Durant l’ère politique de Bourguiba, qui a duré 30 ans (de 1957 à 1987), il y a eu 5 premiers ministres, soit un changement de gouvernement tous les 6 ans.
Durant le règne de Ben Ali, qui a duré 24 ans (de 1987 à 2011), il y a eu 3 premiers ministres, soit un changement de gouvernement tous les 7 ans.
Depuis 2011, c’est-à-dire depuis 6 ans, il y a eu pas moins de 7 premiers ministres soit un changement de gouvernement tous les 10 mois en moyenne.
L’instabilité gouvernementale tue la croissance car elle prive les investisseurs de visibilité et entame leur confiance.
Au moment où nous écrivons ces lignes, l’activisme économique tunisien commence à payer. Le Royaume uni, via son ambassadrice en Tunisie, vient d’indiquer que la Tunisie est en passe de devenir un hub incontournable pour se développer en Afrique.
La Chine vient d’envoyer une importante délégation gouvernementale et d’hommes d’affaires pour étudier les perspectives de partenariat avec Tunis.
Et le meilleur reste à venir…
Donnez votre avis