L’auteur demande de la radiation des professeurs incriminés dans la thèse «la terre est plate» et la démission du ministre de l’Enseignement supérieur.
Par Dr Foued Nasfi *
La demande de la démission du ministre de l’Education, un homme irréprochable et ministre très compétent, n’est formulée que par méchanceté, médiocrité et calculs politiques par des opportunistes qui se cherchent une aura.
Il n’en n’est pas de même de celle du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, gérant un petit ministère par les effectifs, où s’est produit un cataclysme de l’ampleur de celui généré par la soutenance d’une thèse de doctorat sur la «planitude de la terre», raz-de-marée tel que les protagonistes de cette «thèse» doivent au plus vite être radiés de ce ministère, le ministre s’en tirant en présentant sa démission.
L’université tunisienne ridiculisée
L’université tunisienne jouissait d’un grand prestige auprès de bien des nations, et voilà qu’elle se retrouve ridiculisée d’Indonésie en Inde, des Émirats arabes à l’Europe, et qui sait, même aux Amériques. Les nouvelles se répandant à la seconde via internet, une bourde commise à Sfax est connue la minute suivante dans le reste du monde. Quoiqu’on ait mis quand même 6 ans pour apprendre l’existence de la thèse d’Amira Kharoubi, commencée en 2011, et sur le point d’être défendue en 2017 !
Les plus prestigieuses universités du monde, section mathématiques, n’ont jamais remis en question Newton, Kepler, Einstein (Prix Nobel de physiques, 1921, re-consécration en 2016) etc., alors qu’à l´université de Sfax, au département non de mathématiques, mais de géologie, on soutient en mauvais français ceci (les «phautes» sont de l’auteure): «En ce qui concerne les lois physiques connue on a rejeté les lois de Newton, de Kepler et d’Einstein vue la faiblesse de leurs fondements et ont a proposé par contre une nouvelle vision de la cinématique des objets conforme aux versets du coran. La vitesse de la lumière et du son sont ainsi recalculé et on démontré que leurs vitesses correspond à celle de l’ordre 1.43.109 km/s. La théorie du Bigbang et de l’expansion universelle ont été également rejeté » (…) «les étoiles se situent à 7 000 000 km avec un diamètre de 292 km et leur nombre est limité. Ils possèdent trois rôles : pour être un décor du ciel; pour lapider les diables et des signes pour guider les créatures dans les ténèbres de la terre» (…) «Le prophète de l’islam dit que ‘‘la maison la plus fréquentée se situe dans le ciel au-dessus d’elle Kâaba si elle effondre elle tombe sur elle’’. Ce ‘‘hadith’’ pourrait confirmer que la terre est immobile puisque ‘‘cette maison se situe sur el Kâaba et puisqu’il [Mahomet] a assuré qu’elle est au dessus d’elle cela signifie que la position de la maison la plus fréquentée et el kaaba est constamment fixe’’» (sic !).
Une thèse de doctorat est structurée et comporte : introduction, matériels et méthodes, résultats, discussions et conclusion.
Jamel Touir, le «professeur encadreur», ancien membre de l’Assemblée nationale constituante.
Un torchon rempli de dogmes et de «bondieuseries»
Jamel Touir, le directeur de ladite «thèse», et son auteure Amira Kharoubi, qui ont travaillé 6 ans sur le sujet, ne disent pas quels instruments, de quelles marques, de quel âge, à quel emplacement ils les ont utilisés. Le nombre de leurs tests est inconnu, les résultats ne sont pas des colonnes de nombres, les fruits de tests de répétabilité et de reproductibilité, tout en trouvant des nombres sans virgules, sans nous dire comment il faut lire leur vitesse qui «correspond à celle de l’ordre» de 1.43.109 km/s sachant que les nombres sont croissants par 3 décimales : 1 puis 1000 puis 1000.000, puis 1000.000.000, etc., alors comment lire : 1.43.109 km/s ?
Ils ont «démontré» que l’âge de la terre est de 13500 ans !
Si le nombre d´étoiles est «limité», il est impératif de donner ce nombre !
Par répétabilité et reproductibilité, quiconque utilisant leurs méthodes et leurs instruments doit impérativement trouver les mêmes résultats qu’eux, en novembre, comme en juin, à Tombouctou comme à Oulan-Bator !
Tel est un travail de doctorat, qui doit «amener des avancées certaines pour une contribution à l’avancement de la science».
Or, à quoi a-t-on assisté ? A un torchon rempli de dogmes et de «bondieuseries» qui a peut-être sa place au pied d’un marabout, au rayon sorcellerie, mais définitivement pas dans une université.
Il faut les dégager tous !
Comme ce manège dure depuis 2011, plusieurs personnes sont en cause, et à sanctionner par un renvoi de l’université car elles ne lui font pas honneur :
– la doctorante qui a accepté de «travailler» sur le sujet;
– le professeur Jamel Touir, encadreur de la doctorante, et qui recevra quelques 3000 DT pour la soutenance de cet «exploit»;
– le chef du département dont dépend le professeur Touir, et qui est rémunéré au moins 250 DT/ mois en plus de son salaire;
– les rapporteurs de la thèse qui n’ont pas crié au scandale;
– les membres de la commission de thèse, au courant du sujet de la thèse.
Dire que tous ces professeurs qui ont déshonoré l’université perçoivent chacun près de 1500 DT/ mois pour «encadrement et recherche»… et voilà le fruit de leur recherche !
Tant de dépenses pour dire que la terre est plate, alors que s’ils avaient lu l’histoire grecque, ils auraient su que 500 ans avant Jésus-Christ, soit depuis 2500 ans, Philolaos établit que la terre est sphérique et tourne en 1 jour+1nuit «autour d’1 feu». Quoique vivant au 21e siècle et dotés des appareils de technologie de pointe, leurs calculs des distances : rayon, distance terre-lune, terre-soleil, etc., sont battus en brèche par ceux d’Erastothène (250 ans avant J.-C.) qui lui ne disposait que de ses yeux et son cerveau pour tous appareils !!!!!
Comme, suivant les chiffres de 2012, le nombre d’universités est restreint : 13, le nombre d’établissements supérieurs : 195 publics + 44 privés, le nombre de professeurs : 1105, le nombre de maîtres de conférence : 793 (oublions les maitres assistants et assistants qui ne peuvent encadrer un doctorant), le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique se doit de connaître de loin ses enseignants, les sujets sur lesquels ils travaillent, l’orientation de leurs recherches, etc.
Vu ce qui s’est produit, le ministre de l’Enseignement supérieur doit radier de l’université tous les professeurs en cause, de même qu’il se doit par la suite de démissionner, pour sauvegarder le peu d’honneur qui reste à l’université tunisienne, dont j’étais si fier d’être un des docteurs d’Etat en sciences biologiques.
* Docteur d’Etat de l’université de Tunis, biochimiste, retraité, vivant en Suède.
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