Une rencontre a eu lieu samedi 22 avril 2017 entre des personnalités appartenant au RCD, l’ancien parti au pouvoir dissout, et des dirigeants du parti islamiste Ennahdha.
Par Abderrazek Krimi
La rencontre, qualifiée d’historique par Adel Kaaniche, président de l’Amicale des anciens parlementaires tunisiens (AAPT), pour la plupart d’anciens membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), a eu lieu au local du Forum de la pensée destourienne (FPD). Elle a tourné, comme on devait s’y attendre, autour du sujet de la réconciliation nationale.
Une plateforme politique commune
Parmi les personnalités présentes, il y avait, du côté des destouriens, d’anciens dirigeants du RCD, Abderraouf Khamassi, Adel Kaaniche, Jamel Khemakhem, Zouhaier Moudhaffar, et, du côté des islamistes, Rafik Abdesselem, Nadhir Ben Ammou, Chaker Chorfi et Imed Khemiri. D’autres personnalités, proches du RCD, étaient également présentes à la rencontre, tel que l’homme d’affaires Khaled Kobbi et l’historien Abdeljalil Bouguerra.
À l’issue de la rencontre, un protocole a été conclu entre le FPD et le Centre des études stratégiques et diplomatiques, relevant d’Ennahdha et présidé par Rafik Abdesselem, l’ancien ministre des Affaires étrangères de la «troïka», l’ex-coalition gouvernementale conduite par le parti islamiste, et, accessoirement, gendre de Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha. Le protocole porte sur la constitution d’une commission mixte composée de destouriens et d’islamistes dont la mission est de préparer une plateforme politique commune qui sera la base de cet accord historique.
L’opposition d’une grande frange des destouriens à cet accord conclu entre islamistes et destouriens ne s’est pas faite attendre. Ainsi, samedi après-midi, le Parti destourien libre (PDL), présidé par l’avocate Abir Moussi, a rendu public un communiqué où il exprime son refus et affirme que les membres de la famille destourienne qui étaient présents à la rencontre et qui ont adhéré au processus de conciliation «ne représentent que leurs propres personnes».
Il reste à se demander à qui profitera ce compromis, aux destouriens ou aux islamistes? Et qui en seront surtout les grands perdants?
Les destouriens en rangs dispersés
Il devient visible que ceux qui s’identifient au legs destourien sont dispersés dans plusieurs formations et ont des positions divergentes sur l’échiquier politique. Il y a, d’un côté, ceux des partis centristes Nidaa et Machrou; ceux qui préfèrent maintenir une identité politique propre et évitent de fusionner avec (ou fondre dans) d’autres familles politiques au risque de perdre cette identité. C’est le cas du parti Al-Moubadara, présidé par Kamel Morjane, ou du PDL d’Abir Moussi. Il y a, enfin, plusieurs groupes se réclamant tous du legs destourien, mais qui sont incapables de trouver entre eux une plateforme commune leur permettant de se réconcilier entre eux, avant de se réconcilier avec les autres. Parmi ces derniers, il y a des éléments, dont la seule motivation est l’opportunisme, et qui cherchent à nouer des alliances, fussent-elles contre-nature, avec les puissants du moment, en l’occurrence les islamistes.
Face à cet éclatement, une hypothétique réconciliation entre destouriens et islamistes, qui traînent entre eux un lourd contentieux, est-elle possible voire même imaginable ?
Le compromis scellé samedi a un caractère hypocrite et opportuniste, en ce qu’il vise à permettre à cette frange des destouriens, qui n’a pas jusque-là trouvé un terrain propice leur permettant de resurgir sur la scène politique, de se retrouver au centre du débat politique. Il permettra aussi au parti islamiste de se servir de ces éléments serviles pour diviser le camp d’en-face, les destouriens irréductibles qui n’ont pas trouvé un leader capable de les réunir, mais aussi Nidaa et Machrou, qui ont déjà fait emplette dans cette écurie d’Augias.
On peut, cependant, imaginer, qu’à travers le dernier rapprochement entre destouriens et islamistes, c’est l’histoire et l’esprit du Bourguiba, le fondateur du Néo-Destour, qui se trouvent compromis. Car le leader nationaliste et le fondateur de l’Etat tunisien moderne s’est toujours méfié des islamistes et a toujours refusé de leur faire de concessions ou établir des accords avec eux.
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