Avec l’élimination de Fillon et l’arrivée en tête du premier tour de l’élection présidentielle française de Macron et Le Pen, ce sont paradoxalement les socialistes qui sauvent les meubles.
Par Farhat Othman *
Arrivé premier, dimanche 23 avril 2017, à l’issue du tour inaugural de la présidentielle, Emmanuel Macron, candidat du mouvement En Marche, sans parti déclaré, est en fait le «candidat» officieux du président François Hollande, le poulain des socialistes et, probablement, leur futur patron.
Pari gagnant de Hollande
On se rappelle que le président français avait choisi de ne pas se représenter estimant la situation perdue d’avance pour lui et son parti. D’ailleurs personne ne donnait cher des chances du parti socialiste; et le score de son candidat officiel, Benoit Hamon, à ce premier tour le confirme amplement.
En fait, on a pensé trop vite cette élection faite pour un retour triomphal au pouvoir de la droite classique. C’était sans compter sur le profil de François Fillon, le plus mauvais pour Les Républicains, son talon d’Achille ayant été ce qui a compté le plus en cette élection : la dénonciation du système et de ses privilèges.
Le tour de force de Hollande aura été de comprendre à l’avance que si les socialistes devaient perdre l’élection, celle-ci n’était pas nécessairement gagnée par leurs adversaires, le principal parti de la droite, chahuté par ses extrêmes dénonçant le système qu’il incarne lui aussi.
Aussi a-t-il très tôt parié sur la victoire d’un homme se situant hors partis, son ancien et éphémère ministre de l’Économie, Emmanuel Macron. Et voici son choix en passe de gagner la présidentielle et dans la foulée les législatives qui sont généralement une bonne prise pour le président élu, bénéficiant de la dynamique de la victoire.
Gouverner la France au centre
Ce glissement bien perceptible de la France vers le centre de l’échiquier politique n’est pas nouveau; et c’est que veut et doit incarner Macron. Certes, il est encore considéré comme étant le porte-voix du grand capital; cela ne l’a pas empêché de réussir déjà à rallier à lui nombre de centristes.
Au demeurant, il est appelé à donner des gages de gouverner au centre s’il veut avoir obtenir une majorité parlementaire en juin prochain. C’est là aussi accomplir la petite cuisine de Hollande.
En bon stratège, le président français, ayant bien assimilé les leçons de son mentor, François Mitterrand, a compris qu’il se devait de se jouer de tous les partis, y compris le sein propre. Comme Mitterrand, qui n’a jamais été socialiste dans l’âme, mais plutôt un homme d’un centre introuvable encore, il joue la carte d’un centre trouvable.
Si Mitterrand a surtout réussi à atomiser le parti communiste, créant de toutes pièces le parti extrémiste de droite, profitant même dans sa stratégie de diviser pour régner, Hollande est en passe de faire de même avec le parti socialiste dans sa déclinaison classique, achevant l’oeuvre de Mitterrand.
C’est ce qu’aura à faire son poulain à qui restera quand même la rude tâche de l’emporter sur la représentante d’une France révoltée, voulant le changement coûte que coûte, quitte à tout remettre tout en cause, le système d’antan en premier.
C’est cela le sens du vote en faveur de la fille de Jean-Marie Le Pen qui a ainsi fait aussi bien que son père, accédant au second tour d’une présidentielle. Serait-ce, comme pour lui, son chant du cygne? Ce n’est pas nécessairement à exclure, mais nullement évident encore, rien n’étant déjà acquis, même si la candidate FN semble avoir fait le plein des voix devant lui revenir.
En effet, dans cette élection atypique, Mme Le Pen peut toujours compter sur la démobilisation des uns et/ou le sentiment des autres d’avoir déjà la partie gagnée, et surtout de bénéficier de la grosse déception des électeurs de la droite classique refusant de suivre la consigne de vote de Fillon, le plus grand perdant de la soirée.
Les surprises ne semblent donc pas encore finies; elles pourraient même durer jusqu’au second tour des législatives en juin. Car les tractations vont commencer pour les députés.
C’est qu’il n’est nullement aisé d’ancrer la France au centre après tant d’années d’exclusive alternance entre la gauche et la droite, le centre étant réduit à ce fameux triangle des Bermudes, et plus que jamais donc en mesure de se transformer en réalité.
* Ancien diplomate.
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