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Chahed face au couple infernal Nidaa-Ennahdha

La réussite de la guerre contre le terrorisme et la relance économique sont tributaires de la capacité de Chahed à résister aux assauts de Nidaa et d’Ennahdha.

Par Salah El-Gharbi

«Nidaa Tounes n’acceptera pas un remaniement ministériel qui ne tiendra pas compte de son rôle et de son poids politique», a déclaré récemment Khaled Chouket au journal ‘‘Assabah’’, avant d’ajouter sur un ton vindicatif et implicitement menaçant : «Si notre parti n’aura pas satisfaction, son groupe parlementaire pourrait ne pas se montrer coopératif» avec le gouvernement. Selon lui, un remaniement de celui-ci qui ne tiendrait pas compte des intérêts de Nidaa Tounes serait une «nouvelle aventure politique dénuée de sens».

Chahed dans l’œil du cyclone

L’homme qui a mal digéré son limogeage du poste de porte-parole du gouvernement après le départ d’Habib Essid, forme désormais, avec Sofiene Toubal et Borhen Bsaies, la garde rapprochée de Hafedh Caïd Essebsi, le fils du président de la république et le directeur exécutif autoproclamé de Nidaa Tounes. A travers ces propos belliqueux, il cherche visiblement à faire pression sur le chef du gouvernement Youssef Chahed pour qu’il retienne sa candidature dans la perspective d’un éventuel nouveau remaniement.

Cet affamé du pouvoir, qui avait auparavant eu recours au même harcèlement médiatique sur le président Caïd Essebsi et réussi à arracher in extremis un portefeuille dans le gouvernement Essid, réussira-t-il à imposer sa volonté à Chahed, qui semble soucieux de compter sur des femmes et des hommes sérieux, compétents et efficaces, et non simplement de grandes gueules, hâbleurs, incompétents et inefficaces, comme cet ancien militant du parti islamiste Ennahdha passé opportunément au bourguibisme ?

En fait, s’ils traduisent les ambitions démesurées d’un homme qui se surestime (il n’est, malheureusement, pas le seul dans ce cas), les propos de Khaled Chouket ne manquent pas d’attirer l’attention sur les difficultés qui attendent le chef du gouvernement, appelé à naviguer à vue, à gérer avec doigté une situation politique délicate et complexe et à se garder, surtout, des croche-pieds et chausse-trappes de sa propre famille politique.

Chahed doit, à la fois, avoir toujours en vue le Document de Carthage, référence sur la base de laquelle il a été nommé lui-même, veiller à conforter (ne fut-ce qu’en sauvant les apparences) la coalition gouvernementale ou ce qu’il en reste, après le départ de l’Union patriotique libre (UPL), tenter de calmer les ardeurs des Nidaistes favorables à un gouvernement exclusivement Nidaa- Ennahdha, excluant de facto Afek Tounes, et, last but not least, se séparer sans dégâts de certains ministres posant problème, par leur incompétence ou pour les polémiques qu’ils provoquent…

Chahed

Chahed résistera-t-il longtemps aux manœuvres du couple Nidaa-Ennahdha ?

Depuis qu’il a lancé, le 23 mai dernier, la campagne de lutte contre la corruption, le chef du gouvernement jouit, certes, de la confiance d’une grande majorité des Tunisiens. Mais, le soutien populaire, conjugué à la sympathie qu’il inspire désormais à certains partis de l’opposition, sont-ils suffisants pour lui permettre, à quelques mois des municipales, d’affronter les ricanements d’Afek tounes, qui se sent à l’étroit dans une coalition gouvernementale où il ne se retrouve plus, les tergiversations des islamistes, qui ne le soutiennent qu’à demi-mot, tout en manigançant en coulisse pour le faire partir de la Kasbah, et, surtout, les exigences irréalistes des ténors de son propre parti ?

Le très détestable art du compromis

Pour réussir cette grande épreuve, Chahed n’a qu’une seule possibilité, celle de compter sur l’autorité du chef de l’État. Ses relations avec Hafedh Caïd Essebsi, qui tient d’une main de fer les rênes de Nidaa, étant très tendues depuis plusieurs mois, il n’a pas d’autres choix que de solliciter le concours du locataire du Palais de Carthage pour poursuivre sa campagne de lutte contre la corruption dans laquelle il est engagé et qui ne saurait être arrêtée à mi-chemin ou se terminer en queue de poisson. C’est, d’ailleurs, du succès de cette campagne que dépendra, en grande partie, la relance de l’investissement, de l’emploi et de la croissance économique dont le pays a besoin pour réduire sa dépendance des bailleurs de fonds internationaux.

Il reste à savoir si le président Caïd Essebsi sera disposé à laisser les coudées franches à Chahed et, par conséquent, à résister aux pressantes sollicitations de son propre fils, qui n’acceptera pas de ne pas être associé à la constitution d’une nouvelle équipe gouvernementale, lui qui tient tout son monde grâce aux promesses mirobolantes qu’il ne cesse de faire aux uns et aux autres ?

Une fois encore, la démonstration est faite que Nidaa, avec son actuelle équipe dirigeante, reste l’épine qui empêche le chef de gouvernement de mener sereinement son action. Et le pays de redémarrer…

Le très détestable art du compromis finirait-il par avoir le dernier mot et Chahed serait-il contraint de composer avec les dictats du Palais de Carthage ou avec la nécessité de préserver la coalition gouvernementale, scénario très plausible, mais qui sonnerait la fin de la guerre contre la corruption et enterrerait tout espoir de voir la situation socio-économique dans le pays connaître un début d’éclaircie.

Tout le dilemme pour Chahed et pour la Tunisie est là…

 

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