Dans son spectacle ‘‘Ma vie rêvée’’, présenté mercredi soir à Carthage, Michel Boujenah était «revenu chercher le petit garçon qu’il était et qui est resté là en Tunisie.».
Par Fawz Ben Ali
Le spectacle de Michel Boujenah a bel et bien eu lieu dans la soirée du mercredi 19 juillet 2017 au Musée de Carthage, à la banlieue nord de Tunis, malgré tout le bataclan provoqué par ceux qui étaient opposés à sa venue en Tunisie en raison d’anciennes positions qu’il avait exprimées en faveur d’Israël et de son armée.
Une polémique inutile et contre-productive
Après plusieurs années d’absence, l’humoriste franco-tunisien est enfin revenu à son pays natal pour présenter son nouveau spectacle ‘‘Ma vie rêvée’’, dans le cadre de la 53e édition du Festival international de Carthage.
La programmation de ce spectacle avait fait couler beaucoup d’encre ces deux dernières semaines, agitant les internautes sur les réseaux sociaux, notamment après le lancement d’une compagne visant à l’annulation du spectacle, où même l’UGTT s’était invitée, et ce, en raison du positionnement politique pro-sioniste de l’humoriste.
On a dû fouiller dans ses vieilles déclarations, pour en extraire la preuve accablante qui permettrait à quelques fervents défenseurs de la cause palestinienne d’empêcher l’artiste de se produire de nouveau dans son pays natal, qu’il chérit tant.
Une polémique qui a déclenché un débat stérile et contre-productif dont on se serait bien passé, d’autant plus qu’il n’aurait aidé en rien le peuple palestinien et qui n’a finalement fait que nuire à l’image d’un pays réputé pour sa tolérance et son ouverture et son rejet de toute forme d’ostracisme et de repli sur soi.
Les grandes retrouvailles
La direction du festival de Carthage a tenu bon et maintenu le spectacle qui a d’ailleurs été donné à guichets fermés. En effet, tous les tickets étaient épuisées après seulement quelques jours de leur mise en vente, et ce, malgré leur prix plutôt élevé pour les bourses moyennes (60 DT).
Après avoir sillonné l’Europe et les Etats-Unis avec son dernier opus, Michel Boujenah a présenté enfin sa ‘‘Vie rêvée’’ au public tunisien. «Je suis super content parce que depuis la révolution je n’y ai pas joué», avait déclaré l’humoriste lors de son récent passage à l’émission ‘‘On n’est pas couché’’, sur France 2, avant le déclenchement de la polémique autour de sa venue en Tunisie.
Ainsi, Michel Boujenah a retrouvé avec beaucoup d’émotion ses compatriotes tunisiens, venus se ravitailler de bonne dose d’humour, pour ainsi dire, «juif tunisien», dans le cadre intimiste et fort charmant du Musée de Carthage, qui fut ce soir-là, sous haute protection policière.
Fidèle à lui-même, Michel Boujenah est resté attaché à ce qui a fait le succès de ses premiers spectacles. Toujours en solo, mais en rupture avec la tendance du stand-up, il étoffe ses créations d’une panoplie de personnages qu’il manie avec habileté, car, bien qu’il ait beaucoup joué au 7e art, il demeure un homme de théâtre qui maîtrise l’art de la scène et y ajoute ses propres codes.
Vie rêvée, vie de paix
Que ce soit dans sa vie réelle ou dans sa vie rêvée, la Tunisie est omniprésente et occupe toujours une place privilégiée dans le cœur de Boujenah. Ce nouveau spectacle en est une belle preuve où il nous raconte une tendre enfance à la Goulette, «quand on s’empiffrait de beignets bien gras à longueurs de journées», avant qu’on l’emmène sur l’autre rive de la Méditerranée pour être traité de «sale arabe ou de sale juif», raconte-t-il.
C’est une vie inventée, nous dit l’artiste, mais il est claire qu’elle s’inspire fortement de son propre vécu, secouant ses vielles joies, angoisses et peurs.
Bien que le spectacle n’ait pas une réelle trame, construit plutôt sur des histoires en vrac qui partent le plus souvent dans tous les sens, Michel Boujenah réussit toutefois à capter les spectateurs et à les faire rire durant près d’une heure et demie, avec un humour bon-enfant, des personnages attendrissants et surtout en les invitant à faire partie du show.
En effet, Boujenah est connu pour sa spontanéité et son talent d’improvisateur, ce qui lui permet toujours de créer une réelle interaction avec son public, et ce soir-là, le défi était relevé haut la main.
La vie rêvée de Michel Boujenah n’est pas seulement pour faire rire, mais c’est aussi un moment de paix pour fuir la cruauté de ce qu’est devenu le monde, «dans ma vie rêvée on ne meurt pas au musée du Bardo ni sur les plages de Sousse…», lance-t-il.
Eternel amoureux de la Tunisie et nostalgique de son enfance qu’il a passée là, Michel Boujenah a conclu son spectacle en confiant qu’il était «revenu chercher le petit garçon qu’il était et qui est resté là en Tunisie.»
Donnez votre avis