Le Brésilien Neymar sera-t-il capable de mener le Paris Saint Germain (PSG), le club cher à l’émir du Qatar, jusqu’à la marche suprême : la Ligue des Champions d’Europe.
Par Dr Mounir Hanablia *
Neymar à Paris. Pour tous ceux qui se souviennent de toutes les vedettes qui ont croisé, sinon fait, le destin du Paris Saint Germain (PSG), de Said Dahlab à Zlatan Ibrahimovic, en passant par Raï, la dernière acquisition par le club parisien de Neymar constitue incontestablement un saut qualitatif de premier plan.
Les stars sont nécessaires mais pas suffisants
C’est bien la première fois que l’un des tous meilleurs joueurs du monde, sinon le meilleur, en provenance de Barcelone, revêt le maillot du club de la capitale française. Un événement qu’on peut certes comparer à celui du transfert de Maradona à Naples dans les années 80, ou à celui de Cruijff à Barcelone dans les années 70. Mais, les fans du football d’une certaine génération en conviendront, ces deux transferts s’étaient conclus sur le plan sportif par des flops monumentaux par rapport aux objectifs assignés. Certes, pendant quelques années ces joueurs avaient chaque dimanche fait le plein de leurs stades respectifs et avaient fait rêver par leur talent des centaines de milliers de spectateurs et de sportifs sur tous les continents.
Mais aucun des deux clubs n’avait pu remporter la Ligue des Champions; Naples avait été surclassé localement par le grand Milan AC de Gullit et Van Basten, une super équipe qui, disposant également d’un jeu collectif de grande facture, avait remporté deux titres continentaux consécutifs, alors que le Barcelone de Cruijff, malgré le renfort de Neeskens, surnommé Johan II , avait logiquement échoué en demi finales contre le club anglais de Leeds United, constitué de bons joueurs certes, mais absolument dénué de vedettes internationales (il n’avait pas les moyens de se les payer ), et qui tirait sa force de sa cohésion et de son jeu d’équipe.
Mais Neymar sera-t-il capable de mener le club cher à l’émir du Qatar jusqu’à la marche suprême? Il faudrait pour cela que sa présence réussisse à créer l’environnement propice au développement d’un jeu collectif de qualité. Or, jusqu’à présent, le jeu du PSG n’avait jamais été transcendant, et on ne sait toujours pas au vu de la saison précédente ce que le coach Unay Emeri avait bien pu apporter de plus par rapport à Laurent Blanc.
On peut même dire, sans risque de se tromper, que sans les choix tactiques de l’entraîneur espagnol du PSG, une certaine soirée de mars 2017, à Barcelone, son équipe n’eût pas volé en éclat. Et on a du mal à penser qu’avec lui sur le banc, l’équipe puisse acquérir la dimension continentale après laquelle elle court depuis 5 ans. D’autant qu’avec toujours Thiago Silva dans l’axe central de la défense, les capacités à s’opposer aux attaquants des équipes adverses seront toujours très aléatoires, mais apparemment l’équipe n’a pas jugé utile de recruter les défenseurs de qualité qui lui font défaut.
L’ombrageux et omnipotent président du PSG: le Qatari Nasser Khelaifi.
Neymar acceptera-t-il les diktats du président Khelaifi ?
La question est donc aussi de savoir si… Neymar aura les coudées aussi franches que ne les a eues Messi à Barcelone, pour tirer le meilleur du potentiel de l’équipe, y compris dans le choix de sa composition et de sa manière d’évoluer sur le terrain.
Mais Neymar va déjà trouver au PSG une véritable colonie sud-américaine qui s’y est incrustée depuis des années, constituée de Brésiliens, Argentins et Uruguayens, il y trouvera aussi des Italiens, ainsi que le Franco-Tunisien Hatem Ben Arfa, véritable martyr de la tyrannie du président Nasser Khelaifi; des gens fiers et ombrageux, émergeant d’une saison décevante.
A-t-il à son âge la capacité de gérer pour le bien de l’équipe une situation aussi complexe?
Ce n’est pas impossible: Neymar a acquis une énorme expérience au Barça, et au sein de l’équipe nationale du Brésil, le patron c’est lui. D’ailleurs il n’a jamais joué de la même manière pour son club, où il constitue un brillant soliste chargé de créer le danger, au bénéfice de Messi et Suarez, et pour son pays, où, sans prendre de risques, il fait surtout jouer les autres en leur distribuant des passes lumineuses.
Là où le bât blesse, c’est que Nasser Khelaifi n’est pas, mais pas du tout, du genre à laisser ses propres joueurs prendre le destin de l’équipe en mains. Il est le président du club, et, en bon arabe, il tient à ce que personne n’oublie jamais que le patron, c’est lui.
Si Emery est aujourd’hui toujours l’entraîneur, après avoir abandonné le titre de champion de France à Monaco, c’est sans aucun doute sa soumission absolue aux diktats du président qui en est la raison.
Il faut donc s’attendre à ce que, le cas échéant, Neymar soit remis à sa place, et sans ménagements. En ce sens, de mémoire d’homme, on ne l’avait jamais vu assister à une conférence de presse en costume cravate. C’est désormais chose faite.
Mais abstraction faite de l’horizon sportif du club, qui demeurera sans doute et pour longtemps, oblitéré par l’envahissant président, il n’est pas interdit de penser que l’acquisition du «dernier brésilien» capable de changer le cours d’un match en digne successeur des ses glorieux prédécesseurs, obéissait en fait à des considérations extra-sportives bien plus importantes, en rapport avec la situation actuelle de l’émirat du Qatar sur la scène internationale.
L’acquisition du prodige brésilien au bénéfice du club parisien ne signifierait dans le contexte qu’une chose, l’importance de l’émirat sur la scène internationale, ainsi que sa richesse, son influence dans les sociétés occidentales ainsi que son intégration dans les économies de leurs pays. Autrement dit, Neymar ne serait que la continuation de la diplomatie par d’autres moyens. Quant à la Champion’s League…
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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