Notre confrère britannique Francis Ghilès estime que la Tunisie doit assainir ses budgets, mettre en œuvre des réformes urgentes et réduire les inégalités sociales.
Par Marwan Chahla
Dans une réflexion intitulée ‘‘Tunisia, Slow Progress in a Turbulent Region’’, l’analyste Francis Ghilès, chercheur au CIDOB (Barcelona Centre for International Affairs, Espagne), établit un bilan de la performance de la Tunisie post-révolutionnaire. Il explique que «l’avenir de la Tunisie dépend essentiellement de la capacité de ses dirigeants à mettre en œuvre un certain nombre de réformes intelligentes et novatrices.» Et met notamment l’accent sur les répercussions de la «crise en Libye voisine et son énorme impact sur la situation du petit pays d’Afrique du nord, rendant encore plus complexe l’interaction entre la Tunisie et la Libye, contrairement à ce qui s’est passé avec l’Algérie…»
Restaurer l’autorité de l’Etat affaiblie depuis 2011
Passant en revue les derniers développements qui ont marqué la scène politique et sociale tunisienne, l’été dernier et en ce début de l’automne 2017, Francis Ghilès a particulièrement relevé les initiatives prises par le président Béji Caïd Essebsi d’accorder aux Tunisiennes le droit d’épouser des non-musulmans et de soumettre à l’étude l’instauration de l’égalité successorale femmes-hommes.
Le second «événement déterminant» qui a attiré l’attention de l’analyste a été la démission de Fadhel Abdelkéfi, ancien ministre du Développent, de l’Investissement et de la Coopération internationale, en raison de ses démêlées avec la Douane tunisienne.
Le troisième événement a été l’adoption par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) de la loi sur la réconciliation administrative, qui a amnistié 9.000 fonctionnaires auparavant poursuivis par l’Etat…
Ces exemples récents sont une démonstration, selon Francis Ghilès, de la volonté des dirigeants tunisiens de restaurer l’autorité de l’Etat, qui a été très sérieusement affaiblie depuis 2011. Suite à un certain nombre de démarches habiles entreprises par les autorités tunisiennes aux fins de renforcer leur gouvernance et d’améliorer le climat sécuritaire dans le pays, les touristes étrangers ont renoué avec la destination Tunisie et redonné un nouveau souffle à l’activité touristique tunisienne, durement atteinte au lendemain des attentats terroristes de 2015.
Mettre fin au trafic transfrontalier
«Bien que la situation sur la frontière tuniso-libyenne demeure incertaine, les choses se sont nettement améliorées sur le plan sécuritaire et le trafic transfrontalier des armes est désormais sous un contrôle strict», estime Francis Ghilès.
Cependant, observe-t-il, l’amélioration des conditions sécuritaires et le progrès des droits humains ne suffisent pas à eux seuls, car les finances tunisiennes se détériorent chaque jour encore plus et la Tunisie plie sous le lourd fardeau de la dette étrangère –à un moment où les instances financières internationales, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), exercent une pression forte sur le pays pour qu’il assainisse ses budgets, mette en œuvre les réformes structurelles nécessaires et réduise les inégalités sociales et les disparités régionales…
L’autre tâche à laquelle le gouvernement tunisien devra s’atteler au plus vite est celle de la réduction de l’impact de la crise libyenne et ce que Francis Ghilès décrit comme étant «l’effet dévastateur» qu’a eu la guerre civile en Libye sur la Tunisie.
L’analyste en veut pour preuve le retour des travailleurs tunisiens qui opéraient en Libye avant la révolution: il estime que 60.000 de ces expatriés, sur un total de 91.000, ont été contraints de rentrer au pays, entre 2010 et 2014. Outre les pertes d’emplois que cet exode inversé représente, il y a bien évidemment le manque à gagner de transferts de fonds que cela a impliqué – surtout dans certaines régions déshéritées du pays…
Bref, selon Francis Ghilès, si les performances de la Tunisie n’ont pas été jusqu’ici convaincantes, la raison réside fondamentalement dans l’environnement agité qui prévaut dans la région.
Source : Cidob.
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