Ceux qui mettent en doute la crédibilité de la guerre contre la corruption menée par le gouvernement sont généralement des corrompus qui cherchent à sauver leur peau.
Par Ridha Kéfi
Par-delà les petites guéguerres idéologiques, politiciennes et partisanes, dont nous nous sommes gavés et, pour beaucoup d’entre nous, lassés, le véritable enjeu, aujourd’hui, en Tunisie est on ne peut plus clair : ou bien la guerre menée par le gouvernement Chahed contre les fléaux de la corruption et de la contrebande réussit, ce qui permettrait d’assainir un tant soit peu l’économie tunisienne, de mettre en route les réformes nécessaires et d’ouvrir de véritables perspectives de relance de la machine de production, et aiderait, à terme, à sortir le pays de la crise dans laquelle il se morfond depuis plusieurs années; où bien cette guerre échoue, sous les coups de boutoir des lobbies de la corruption alliés à certaines forces politiques et à la partie pourrie de l’administration publique et de la justice, et dans ce cas, la Tunisie entrerait dans une grave zone de turbulence qui pourrait aboutir, à terme, avec les interférences étrangères que l’on imagine, à une guerre civile à l’issue catastrophique et dont toutes les parties sortiraient perdantes. Et c’est, on l’a compris, cette redoutable issue que nous devons essayer d’éviter à tout prix.
Petits calculs personnels et intérêts supérieurs du pays
Aussi, tous les patriotes, qui cherchent l’intérêt supérieur de la Tunisie, doivent-ils, aujourd’hui, mettre de côté leurs petits calculs personnels et leurs intérêts étriqués, pour se mobiliser aux côtés du gouvernement et l’aider à remporter cette guerre, car il y va de l’avenir de notre pays et du processus démocratique qui y est en cours depuis bientôt 7 ans.
Quand on parle de guerre contre la corruption et la contrebande, le nom qui vient d’emblée à l’esprit est celui de Chafik Jarraya, arrêté le 23 mai 2017 et poursuivi par le tribunal militaire pour trahison, atteinte à la sécurité publique et intelligence avec une armée étrangère, par allusion aux milices islamistes libyennes conduites par le chef terroriste Abdelhakim Belhaj.
L’affairiste Jarraya, qui a amassé sa fortune en louant ses services aux membres du clan Trabelsi,, sous le règne de Ben Ali, et qui, au lendemain de la chute de ce régime dictatorial, et pour éviter les poursuites judiciaires, s’est mis sous la protection (et au service) des islamistes, est, on le sait, à la tête d’un grand réseau de contrebande (notamment avec la Libye), dont plusieurs chefs sont tombés et sont actuellement poursuivis par la justice.
Il est aussi à la tête d’un grand réseau de corruption qui comprend des dirigeants de partis politiques, à commencer par les deux au pouvoir (Ennahdha et Nidaa Tounes), de membres de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), de hauts cadres de l’administration publique, y compris dans la police et la douane, deux corps aujourd’hui gangrenés, ainsi que des responsables de médias audio-visuels et écrits et même de nombreux journalistes qui ont émargé sur ses générosités bien ordonnées.
Au lendemain de l’arrestation de Jarraya et de certains de ses plus proches complices, les membres de ce réseau tentaculaire, une véritable mafia au cœur de l’Etat, ont d’abord cherché à se cacher, espérant se faire oublier et échapper ainsi aux mailles du filet de la justice. Mais, au fil des semaines, ils ont commencé à sortir de leur réserve, à s’organiser et à élaborer un plan de contre-attaque. L’objectif : sauver Jarraya pour sauver leur peau.
L’émotion suscitée par la maladie du prévenu Laajili est un écran de fumée.
Les corrompus contre-attaquent
On voit déjà les prémices de ce plan dans l’émotion suscitée dans les médias autour du cas de Saber Laajili, l’ancien chef de la brigade antiterroriste, arrêté le jour même de l’arrestation de Jarraya, et qui était lié à ce dernier, auquel il rendait de menus services, au profit de ses «amis» libyens.
La maladie de M. Laajili, qui vient de subir une opération chirurgicale à l’hôpital de la Rabta pour l’ablation d’une tumeur cancéreuse, suffit-elle pour justifier, comme l’espèrent ses avocats, sa libération?
Ces derniers s’apprêtent, disent-ils, à porter plainte contre le tribunal militaire pour avoir décidé de maintenir leur client en détention, pour les besoins de l’enquête, malgré la détérioration de son état de santé. Il ne manquerait plus que cela…
Tout en compatissant avec le malade et en lui souhaitant un prompt rétablissement, on doit se garder de tomber dans le piège de l’émotion suscitée par son cas. Le problème, le vrai, est ailleurs et il concerne la sécurité nationale : doit-on accepter que de hauts responsables sécuritaires, en l’occurrence Imed Achour, ancien directeur général des services spéciaux, et Saber Laajili, ancien chef de la brigade antiterroriste, se permettent de proposer leurs services, via Chafik Jarraya, à des chefs terroristes libyens ?
Tant que les soupçons pèsent sur ces derniers et que leur innocence n’a pas été prouvée et prononcée par le tribunal militaire, nous devons rester tous vigilants et soutenir la guerre contre la corruption menée par le gouvernement, au lieu de jouer le jeu des corrupteurs et des corrompus qui cherchent à mettre en doute la crédibilité de cette guerre. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain !
Le comité de défense de Laajili portera plainte contre le tribunal militaire
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