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Révolution tunisienne, 7 ans après : Un bilan déprimant

Les années 2010-2020 seront-ils, pour la Tunisie, une décennie perdue, notamment aux plans social et économique. Les chiffres sont, à cet égard, têtus et, surtout, déprimants.

Par Khémaies Krimi

Au regard des résultats négatifs de la dernière enquête de Sigma Conseil intitulée ‘‘Enseignements de 7 ans de la révolution tunisienne, enjeux pour les années à venir’’, nous sommes tentés d’admettre que la décennie 2011-2020 sera une décennie perdue pour la Tunisie, surtout que les 3 années restantes seront marquées par des manœuvres électoralistes et par un immobilisme au niveau de l’administration publique, en raison des prochaines échéances électorales, municipales en 2018 et générales en 2019.

Réalisée grâce à un financement de la fondation allemande Konrad Adenauer Stiftung en prévision du 7e anniversaire des émeutes du 17 décembre 2010, les résultats cette enquête, qui ont été présentés au public le jeudi 7 décembre 2017, à Tunis, sont tout simplement accablant pour les 3 présidents, les 8 chefs du gouvernement et les 285 ministres qui se sont succédé au cours de cette période. Leur bilan au triple plan politique, social et économique est fort décevant. En voici l’essentiel.

Aucun objectif des émeutes n’a été réalisé

Au plan politique, 56% des sondés pensent qu’aucun des objectifs de «la révolution» (emploi, dignité, liberté) n’a été atteint. Ces objectifs ont été accomplis «dans une faible et très faible mesure» pour l’emploi, estiment 97% des sondés, pour la dignité (73% des sondés) et la liberté (31% des sondés).

Pis, l’écrasante majorité des Tunisiens estiment que «la révolution» a rendu leur quotidien précaire avec la réduction du niveau de vie et du pouvoir d’achat (93%), le non-développement des zones marginalisées (78%), un parlement qui ne répond pas aux attentes du peuple (72%) et la propagation de la corruption (68%).

Au plan social, 79% des sondés estiment que «la révolution» a impacté négativement la situation dans le pays. Cette perception est largement partagée au centre-est du pays (66,4%) et à Sfax (62,2%).

Au chapitre des réalisations positives, les personnes interrogées, citent la liberté d’expression (93%) et l’intégration de la femme dans la vie politique (83%).

Surendettement et chute vertigineuse du dinar

En ce qui concerne la situation économique, le rapport de Sigma, qui se réfère à des statistiques fournies par l’Institut national de la statistique (INS), la Banque centrale de Tunisie (BCT), la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI), met l’accent sur la baisse des fondamentaux au cours de la période 2011-2017.

Ainsi, en 7 ans, le taux de croissance est passé de -1,9% à +1,9%; celui de l’inflation de 3,9% à 4,2%; le déficit commercial de 8.603,5 millions de dinars tunisiens (MDT) à 12.620,5 MDT; l’endettement de 43,2 milliards de dinars tunisiens (Mds DT) à 66,9 Mds DT; les investissements directs étrangers (IDE) de 2,5 Mds DT à 2,3 Mds DT.

Par ailleurs, le taux de change a connu un trend baissier. L’euro et le dollar, qui s’échangeaient en 2011, respectivement contre 2DT et 1,5DT, s’échangent en 2017 contre 2,9DT et 2,5DT. Et pour ne rien arranger, les recettes touristiques ont évolué, au cours de cette période, en dents de scie et au rythme des attentats terroristes, passant de 2,432 Mds DT en 2011 à 3,625 Mds DT en 2014 et à 2,373 Mds DT en 2016.

Seule note positive, le taux de chômage a baissé au cours de cette période. Il est passé de 18,9% (738.400) en 2011 à 15,3% (625.600) en 2017. A l’origine de cette baisse artificielle, les recrutements massifs dans la fonction publique effectués par la «Troïka», l’ancienne coalition gouvernementale conduite par le parti islamiste Ennahdha, en 2012 et 2013. Le nombre des agents dans la fonction publique est ainsi passé de 444.900 en 2011 à 591.200 en 2014.

Quant au taux de chômage des diplômés, il a légèrement baissé, passant de 33,6% en 2011 à 31,2% en 2017. Et sans doute pour les mêmes raisons.

Des perspectives sombres à l’horizon

Quant à la perception des Tunisiens de l’avenir, elle est aussi affligeante que leur perception du bilan de la «révolution».

Pour 48% des sondés, la situation économique sera pire dans les années à venir. Elle serait bien pire pour les tranches d’âge de 18-25 ans (45%) et de 26-35 ans (41,8%), pour les régions du centre-ouest (41,4%), la classe aisée (41,7%) et la classe populaire (40,7%).

La situation sociale sera également pire pour 44% des sondés et bien pire pour les tranches d’âge de 18-25 ans et pour la région du centre est.

A la question de savoir s’ils projettent de quitter le pays, 68% des sondés ont répondu par la négative contre 32% par la positive. Cette dernière catégorie se recrute parmi la classe populaire (47,4%) et les tranches d’âge 18-25 ans (48,1%) et 26-35 ans (47,3%), les plus concernées, justement, par… l’avenir.

Quels que soient le griefs que l’ont peur avoir vis-à-vis des sondages d’opinion, et notamment des méthodes dont elles sont effectués en Tunisie et des cabinets qui les effectuent – les résultats de sondages Sigma étant souvent contestés, notamment par les hommes politiques et certains médias –, les chiffres publiés ci-dessus sont généralement conformes au ressenti d’une grande majorité des Tunisiens qui ont la conviction que leur pays n’avance dans aucun domaine, s’il ne recule pas dans tous.

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