Le risque d’une épidémie de H1N1 en Tunisie n’est pas écarté, mais le dispositif sanitaire mis en place est-il rassurant ? L’auteur de cet article est perplexe.
Par Slim Maherzi *
Je me permets de donner un avis concernant les conditions actuelles de prise en charge de la grippe H1N1, qui sévit en Tunisie depuis quelques semaines, et dont l’acmé est à prévoir dans les 15 jours à venir.
Je vais faire un comparatif, avec la prise en charge de l’épidémie de H1N1 en 2009.
Mes remarques sont plus un vécu et ne tiennent aucunement compte de la moindre considération politique.
En 2009, il y a eu une pandémie de H1N1 sur l’ensemble des cinq continents. Le virus H1N1 avait alors muté vers plus de virulence et le vaccin de la grippe n’était pas alors protecteur.
Entre 2009 et 2017 : une perte d’efficacité
La virulence de ce «nouveau» H1N12009 pouvait préjuger d’une grippe invasive et à plus fort risque de mortalité.
La Tunisie avait alors montré une grande maturité en matière de politique de santé, à la fois préventive et curative. Nous nous sommes montrés les plus réactifs, les mieux organisés, et même si les conséquences de cette épidémies ont été moins sévères que prévus, nous avons été un exemple pour beaucoup, en prouvant notre capacité de réaction devant l’ampleur d’une grande épidémie.
Mondher Znaidi, ministre de la Santé en 2009, s’était entouré d’un staff qui représentait l’ensemble des professionnels de santé, médecin-cadres paramédicaux-pharmaciens-professionnel de la communication. Il a fait appel à des collègues du public et du privé, afin d’avoir la température de tous. Les réunions quotidiennes débutaient à 7 heures du matin, en sa présence, et se terminaient au maximum 1h30 après. J’ai eu l’honneur d’y participer; on ressortait avec des décisions consensuelles, et la chaîne de transmission était immédiate.
La prise en charge était quasi-parfaite, tant en préventif avec mise à disposition des lots de vaccin H1N1 avec les indications d’usages, qu’en curatif par la possibilité des tests rapides, dont les résultats en 5 minutes nous permettaient de mettre nos patients sous traitement par Tamiflu en attendant les résultats de certitude de la PCR dans les 3 jours. Cette PCR nous permettait soit de poursuivre soit d’interrompre le traitement antiviral.
On sait que l’efficacité réelle du traitement est fonction de sa précocité, plus simplement le bénéfice réel du Tamiflu est confirmé dans les premiers jours de la maladie, passé ce cap il devient très subjectif.
Nous avons montré au monde notre capacité de réaction et d’organisation devant un risque épidémique réel. Pour ça, je rends hommage à tous les intervenants et, sans aucun esprit de béni-oui-oui, à leur tête M. Znaidi. Je lui rends hommage, parce qu’il a permis cette organisation.
Le dispositif est-il vraiment au point ?
Aujourd’hui, le virus H1N1 n’a pas muté; la population depuis 2009 est dans sa majorité vaccinée, puisque le H1N1 est inclus depuis dans le vaccin de la grippe, et le H1N1 de cette année ne semble pas plus virulent que celui de l’année passée.
Aujourd’hui, les réseaux sociaux semblent être devenus les pourvoyeurs d’information: quelle tristesse de lire chaque jour, comme pour une loterie, le nombre de décès par la grippe, au quotidien.
Aujourd’hui, on appelle à la vaccination, alors que les indications de cette vaccination ne sont que celles du vaccin de la grippe: il est utile, sur le plan épidémiologique et en matière de médecine préventive, de vacciner contre la grippe, point barre… et non à vacciner plus contre la grippe cette année, parce qu’il y a des cas de H1N1.
Aujourd’hui, pour ce qui est des patient suspects de H1N1, nous n’avons accès qu’à l’examen par PCR, notamment a l’hôpital Charles-Nicole jusqu’à 13 h, et ce pour pouvoir bénéficier du traitement par le Tamiflu.
Quand on sait que l’efficacité du traitement est fonction de sa précocité, il y a de quoi s’interroger: en pratique, ceux dont l’état s’est amélioré après 3 jours n’en ont plus besoin, même si la PCR revient positive, et ceux dont l’état s’aggrave le font généralement dans les premiers jours et débuter «trop tard» ne sert plus à grand chose.
En exemple, le dernier vécu que j’ai eu pour un de mes enfants: PCR faite le 20/12, résultats le 23/12, date à laquelle l’évolution était déjà favorable. Mon unique réponse à ses parents, a été heureuse ce matin, celle de dire «c’est bon il est en train de guérir, pas besoin de Tamiflu»… Mais, qu’aurai-je pu leur expliquer, s’il s’était aggravé dans les premiers jours?
Aujourd’hui, nous n’avons accès ni aux tests rapides, ni au Tamiflu avant PCR.
Aujourd’hui, une plus grande concertation et des explications du MSP s’imposent. Sinon, le début de panique de nos concitoyens risque de s’accentuer.
* Pédiatre.
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