S’ils ne se réveillent pas de l’état de léthargie dans lequel ils ont toujours baigné, les Tunisiens n’auront bientôt que leurs yeux pour pleurer la perte de leur pays.
Par Tarak Arfaoui *
D’un petit pays bien tranquille qui faisait son bonhomme de chemin lentement mais sûrement vers la modernité et le progrès, grâce à la dictature éclairée de Bourguiba et en dépit de celle moins éclairée de Ben Ali, la Tunisie s’est soudainement trouvé engluée dans un processus de destruction bien orchestré par une bande de terroristes alliés à des mafieux.
Tapis rouge déroulé aux extrémistes de tous bords
Qui aurait pensé qu’un jour la Tunisie, ce petit pays paisible où il fait bon vivre, devienne le premier exportateur de terroristes dans le monde et un repaire d’assassins qui se la coulent douce dans l’impunité avec la connivences des «autorités» sans rendre de compte à personne?
Qui aurait imaginé que des extrémistes de tous pays seraient officiellement reçus par de hauts responsables de l’Etat au salon d’honneur de l’aéroport de Tunis-Carthage et, officiellement, dans le palais présidentiel par un président qui exhibe fièrement la main de «Rabaa» le signe de ralliement aux Frères musulmans, une internationale terroriste?
Qui aurait pensé qu’un jour on puisse autoriser, et offrir gracieusement la logistique nécessaire pour permettre à des prédicateurs étrangers d’un autre âge, dont beaucoup de salafistes jihadistes notoires, d’organiser des meetings afin de vociférer des diatribes obscurantistes, rétrogrades et appelant à la haine et à la violence ?
La Tunisie est un paradis pour les terroristes repentis (sic) qui ont le culot de reconnaître ouvertement à maintes reprises sur diverses tribunes leurs actions «militantes violentes» par «nécessité» (notamment l’attaque de Bab Souika en 1992 avec mort de civils) puisse avoir une quelconque légitimité électorale?
La Tunisie est un véritable paradis où un gourou pris en flagrant délit d’incitation à la rébellion et à la violence armée (en caméra cachée bien documentée) puisse encore se pavaner librement dans le pays et parler de démocratie et de droits civiques et faire la pluie et le beau temps sur la scène politique.
L’éden de l’impunité pour les hors-la-loi
Le paradis de l’impunité est bel et bien la Tunisie où le vice-président de l’Assemblée du des représentants du peuple (ARP), véritable caméléon hâbleur, lui aussi pris au piège d’une caméra cachée complotant avec un extrémiste moyenâgeux, a le culot de diriger encore les travaux du haut de son perchoir dans une assemblée où se pavanent des terroristes avérés à qui ne manque qu’une Kalachnikov en bandoulière.
La Tunisie est l’éden de l’impunité où un ex-artificier bien reconnu devient, par la grâce divine, ministre de l’Intérieur dont la responsabilité dans les assassinats politiques est très gravement engagée et qui, tenez-vous, bien préside la commission nationale de la sécurité au parlement!
La Tunisie est le pays de cocagne de tout extrémiste qui se respecte, allant du «syndicaliste» jusqu’au-boutiste, qui fait des grèves de zèle parfaitement illégales pour mettre à genou l’économie déjà chancelante du pays, aux pseudo éducateurs qui mettent en péril l’avenir de nos enfants en organisant tout le long de l’année des grèves roulantes pour porter le coup de grâce au système éducatif qui produit déjà des illettrés diplômés et des abrutis sans repères.
La Tunisie est bel et bien l’eldorado des trafiquants de tous poils, véritables hors-la-loi parasites de la société qui gangrènent l’économie du pays qui ont fait du commerce parallèle une véritable institution gérée par une banque centrale-bis à Ben Guerdane faisant de l’ombre à la banque centrale officielle (dixit Samir Majoul, président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, Utica).
Le mal est d’abord dans l’école
Ce paradis dans lequel se prélassent beaucoup de Tunisiens n’est pas une création spontanée mais bel et bien le résultat de plusieurs carences et dysfonctionnements qui se sont accumulées des années durant au cours de l’ère Ben Ali et surtout durant les 7 années post-révolution. La défaillance majeure vient des programmes éducatifs dans les écoles et lycées qui doivent être revus de fond en comble.
L’étude des langues, de l’art et de l’histoire doit être largement revalorisée. Les cours scientifiques doivent être désacralisés et les activités sportives obligatoires et intensives doivent être remises à jour comme dans les années 70.
L’inculture et l’absence de repères du fait d’une éducation défaillante ont produit une génération sans horizons. Une génération influencée par quelques charlatans et cherchant dans l’extrémisme religieux un moyen d’expression souvent violent.
Une large frange de la population a subitement plongé dans une religiosité de façade, factice, où la bigoterie moyenâgeuse a pris la place de l’intelligence et du progrès.
Une autre frange de la jeunesse est largement incivique déboussolée à la fois fainéante et exigeante toujours à la recherche du gain facile des mauvais coups et à l’affût de n’importe quel événement, si bien qu’un match de football est très vite transformé en guérilla urbaine.
Cette jeunesse, dont la fougue naturelle n’est pas canalisée et qui dès le plus jeune âge fait son apprentissage à l’école de la «houma» (quartier) à qui on n’a pas appris les règles élémentaires de la bienséance et du civisme dès la maternelle, ainsi que dans le cercle familial, se retrouve à l’âge adulte livrée à elle-même et navigant au gré des influences de la rue.
Que laissera-t-on aux prochaines générations ?
La défaillance vient aussi de nos gouvernants dont le laxisme est vraiment inquiétant. Sous couvert de démocratie, on est arrivé à tolérer tous les excès et dépassements qui ont décrédibilisé l’Etat et ses institutions.
La justice minée par les nominations partisanes est devenue à géométrie variable et n’est plus crédible. Sous couvert du fameux «tawafeq» (consensus), on nomme un gouvernement sans programme clair dont l’action est paralysée par des ministres idéologiquement aux antipodes les uns des autres et on nomme des irresponsables à des postes clé en fermant les yeux sur de graves travers pour faire semblant que tout baigne dans l’huile.
En fin de compte, si on ne se ressaisit pas au cours des prochaines élections municipales et législatives, si les Tunisiens ne se rebiffent pas et délaissent leur «khobsisme» (quant à soi) traditionnel, s’ils ne se réveillent pas de l’état de léthargie dans lequel ils ont toujours baigné, ils n’auront bientôt que leurs yeux pour pleurer la perte de ce vénérable pays qui, faute d’être un vrai paradis, sera un enfer pour les prochaines générations.
* Médecin de pratique libre.
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