Parmi les musulmans français, l’essayiste franco-tunisien Hakim El Karoui distingue trois cercles : les militants, les sympathisants et les personnes influencées. Ces derniers, qui ont une faible connaissance de leur propre religion, deviennent une proie facile pour les prêcheurs salafistes et les Frères musulmans.
Par Fawz Ben Ali
À l’occasion de la sortie de son nouvel ouvrage ‘‘L’islam, une religion française’’, l’essayiste et consultant français d’origine tunisienne Hakim El Karoui a donné une conférence à l’Institut français de Tunisie (IFT), le mardi 8 mai 2018.
Après ‘‘L’avenir d’une exception’’ (2006), ‘‘Réinventer l’occident’’ (2010) et ‘‘La lutte des âges’’ (2013), Hakim El Karoui revient avec un nouvel essai plutôt polémique déjà par son titre ‘‘L’islam, une religion française’’, paru en 2018 aux éditions Gallimard.
Une enquête bien menée
«L’islam est devenu une religion française parce que c’est la première religion pratiquée de France, parce que les musulmans de France sont français pour les trois quarts d’entre eux, parce que la France peut être une terre fertile pour le renouveau théologique et intellectuel dont l’islam a tant besoin» : ces affirmations ne peuvent évidemment pas faire l’unanimité, mais le spécialiste en géopolitique est sûr de lui puisqu’il présente ce livre comme une sorte d’enquête bien menée où il a eu le soutien de l’Institut Montaigne pour l’étoffer de statistiques et de recherches avancées.
Sophie Renaud, directrice de l’IFT.
«C’est un homme qui connait bien la Tunisie et qui la fréquente régulièrement mais qui reste absent dans les médias et les conférences», c’est ainsi que Sophie Renaud, la directrice de l’IFT, a présenté son invité qui était accompagné de l’attaché audiovisuel à l’ambassade de France en Tunisie, Tancrède de La Morinerie, pour animer la rencontre.
Hakim El Karoui a d’abord précisé qu’on pouvait parler de trois cercles de musulmans français : les militants, les sympathisants et les personnes influencées; expliquant que l’un des problèmes de l’islam est que les musulmans ont une faible connaissance de leur propre religion, ce qui fait d’eux une proie facile pour les prêcheurs salafistes et les Frères musulmans qui arrivent aisément à propulser leur idéologie.
Profitant de tous les problèmes auxquels font face les musulmans de France comme la marginalisation, la crise identitaire, le manque d’intégration, les problèmes sociaux et économiques…, les «militants» proposent la religion comme l’ultime solution; «la religion devient un support de rébellion», précise-t-il.
Tancrède de La Morinerie et Hakim El Karoui.
Entre intégration et crise identitaire
Il faut aussi rappeler que les musulmans ne se trouvent pas seulement dans les quartiers populaires ou défavorisés, mais que beaucoup d’entre eux ont compris que pour s’en sortir, il faudrait étudier et se former comme il se doit, ce qui fait qu’on note aujourd’hui une réelle ascension sociale parmi les musulmans français.
Contrairement à d’autres pays occidentaux comme l’Allemagne, l’Angleterre ou les Etats-Unis, la France compte un nombre extrêmement élevé de mariages mixtes, note l’essayiste qui parle d’une grande capacité d’intégration chez les musulmans qui ne sont pas jusque-là tombés dans le communautarisme religieux. Ils se sont au contraire affirmés et l’économie du halal est devenue une norme, cite-t-il, à laquelle les grandes sociétés agro-alimentaires prêtent la plus haute attention.
Cependant, ceux que l’on a auparavant appelés «les militants religieux» appellent aujourd’hui à «un islam de rupture».
Beaucoup de sites de rencontre musulmans ont été créés ces dernières années pour lutter contre les mariages mixtes. Plus alarmant encore, Hakim El Karoui a signalé l’existence de nombreux sites de jeux-vidéos et de football qui se servent de leur popularité auprès des jeunes pour véhiculer la pensée obscurantiste à travers ce qu’il appelle «les prêcheurs stars». Désormais, les discours les plus dangereux passent sur internet et non dans les mosquées.
Interrogé sur le rôle du Conseil français du culte musulman (CFCM), Hakim El Karoui estime que «cette organisation dysfonctionne complètement» depuis sa création en 2003 par Nicolas Sarkozy. Il y a un grand conflit d’intérêts entre le CFCM, les dirigeants des mosquées et les financeurs qui sont de pays étrangers comme le Maroc, l’Algérie et la Turquie.
Hakim El Karoui a signalé que les imams ne déclarent jamais les grosses sommes d’argent qu’ils reçoivent et qui ne servent évidemment pas l’intérêt général, ce qui nous met face à un grand point d’interrogation.
‘‘L’islam, une religion française’’ est désormais disponible dans les librairies tunisiennes et peut être consulté gratuitement à la médiathèque de l’Institut français de Tunisie (IFT).
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