Rupture entre Chahed et Caïd Essebsi: au-delà de Nidaa, la scène politique tunisienne en reconstruction.
Le chef du gouvernement Youssef Chahed semble, aujourd’hui plus que jamais, livré à son destin sur un chemin miné où il est appelé à maintenir le cap des réformes socio-économiques et regagner la confiance des investisseurs étrangers.
Par Ghaydaa Thabet *
Ceci n’est pas un Spoiler de la nouvelle saison de ‘‘Game of Thrones’’, mais ils peuvent faire passer le temps avec les nouvelles de notre fameuse scène politique tunisienne qui ne manque pas de scénario surprise.
La soirée du mardi 29 mai 2018 était exceptionnelle, on a eu droit à une allocation du chef du gouvernement. Youssef Chahed s’est adressé aux Tunisiens sur la chaîne Al-Watania 1 durant onze minutes. Il a rappelé que la Tunisie vit une crise politique. Vous allez penser qu’il n’y a rien de nouveau à cela.
Pourtant, aucun responsable de l’Etat n’est venu expliquer à la population ce qui s’est passé à Carthage lors des négociations autour de l’Accord de Carthage II et quelles sont les implications de la décision du président de la république.
L’après-suspension de Carthage II
Après un long silence qui a duré toute la période des négociations autour de l’Accord de Carthage II qui a fait couler beaucoup d’encre autour du point 64 portant sur le départ ou le maintien du chef du gouvernement, on peut voir dans cette intervention, un Chahed déterminé qui tisse un lien direct avec le citoyen lambda à travers une allocution qui dresse un bilan de la situation politique et économique du pays et nous pousse à établir une nouvelle cartographie de la scène politique post-suspension de Carthage II.
À l’image de la mosaïque du Musée du Bardo représentant le prophète Daniel dans la fosse aux lions, Youssef Chahed se trouve face à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et sans le soutien de son parti politique Nidaa Tounes.
La centrale syndicale est désormais en confrontation politique directe avec le gouvernement et son chef. Le processus des réformes que mène le gouvernement Chahed se trouve en confrontation directe avec l’UGTT. Et parmi les dossiers les plus délicats, on trouve l’assainissement des entreprises publiques et des caisses sociales ou encore la réforme de l’éducation.
L’épine dans le pied de Youssef Chahed est sans doute la direction de son parti Nidaa Tounes, même s’il a usé de ses efforts de rapprochement, en allant lui-même faire campagne aux côtés des candidats Nidaa aux municipales et qui n’a eu de cesse de répéter que Nidaa est son parti.
Le soutien des deux sages
À la tête de ce parti, Hafedh Caid Essebsi, a ouvert le feu sur Youssef Chahed durant toute cette période et ce dernier a, d’ailleurs, souligné que «Hafedh Caid Essebsi et ses amis ont détruit Nidaa Tounes, en passant par la démission successive des dirigeants du parti, jusqu’à l’échec des élections législatives partielles en Allemagne et au dernier lieu les élections municipales où Nidaa Tounes a perdu 1 million d’électeurs».
Evitant de donner l’image d’un victorieux narcissique, Chahed a rappelé que la situation pourrait être beaucoup plus complexe sans la présence de la voix de raison du président de la république, Béji Caïd Essebsi, qui a placé l’intérêt de l’Etat avant tout. Sans oublier le soutien apporté au chef du gouvernement par Ennahdha et à sa tête Rached Ghannouchi qui ont joué la carte de la stabilité.
Youssef Chahed est resté à la tête du gouvernement malgré toute la pression de ceux qui voulaient sa tête sur un plateau comme la tête de Jean-Baptise offert par Salomé. Malgré le soutien des deux sages de la scène politique tunisienne, le chef du gouvernement semble livré à son destin sur un chemin miné où il est appelé à maintenir le cap des réformes socio-économiques et regagner la confiance des investisseurs étrangers.
* Activiste et analyste politique.
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