Le Centre international Hédi Nouira de prospective et d’études sur le développement vient de soumettre à la présidence de la république un rapport d’une soixantaine de pages, intitulé «Programme de redressement économique» sur le court terme (2018-2019), proposant une stratégie en 3 points pour améliorer l’image de la Tunisie à l’extérieur.
Par Khémaies Krimi
Le rapport rappelle en préambule les signes de la détérioration de l’image extérieure de la Tunisie au cours des dernières années. Il cite, à ce propos, les dégradations successives de la notation souveraine du pays, la baisse continue de son classement dans les rapports internationaux (Davos, Doing Business …) et l’inscription de la Tunisie sur la liste des pays à déficiences stratégiques dans les domaines de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Développer le marketing country
Pour remédier à cette situation, le document propose une stratégie articulée autour de 3 axes. Il s’agit de promouvoir une diplomatie économique proactive, de développer le lobbying et le marketing country et de reconquérir le rating souverain d’antan.
Concernant la diplomatie économique, le rapport suggère moult actions. La première consiste dans la création au plan institutionnel d’un Conseil supérieur de la diplomatie économique qui arrêtera une vision dans ce domaine et tracera une feuille de route claire pour la diplomatie tunisienne et l’ensemble des représentations tunisiennes à l’extérieur (ambassades, services extérieurs…). Ce Conseil est appelé à évaluer en permanence le rendement de ces structures et à décider des réaménagements à y apporter.
Il s’agit également de promouvoir le partenariat entre le secteur privé et la diplomatie économique, de faire de l’ambassade un «think-tank» au service de la coopération économique et un coordinateur animateur de l’ensemble des services extérieurs, et de développer les services d’intelligence économique, un segment sur lequel la Tunisie demeure absente, note le rapport.
Lobbying : relancer si nécessaire l’ATCE ?
Au sujet du lobbying, le rapport insiste sur l’intérêt pour la Tunisie de mettre au point une stratégie agressive en la matière. Les auteurs du rapport, une vingtaine d’économistes et d’experts multidisciplinaires, rappellent que «partout dans le monde d’aujourd’hui, l’influence s’exerce en partie, en dehors des cercles diplomatiques officiels» et reconnaissent que «la Tunisie a de moins en moins de relais à l’extérieur depuis le démantèlement de l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE), ou des réseaux plus informels tels que le Cercle des amis de la Tunisie», en France.
L’ATCE, rappelons-le, a été démantelée au lendemain de la révolution de janvier 2011. Elle était une officine chargée de redorer l’image de l’ancien dictateur Zine El Abidine Ben Ali et, accessoirement, celle de la Tunisie, à l’étranger
Pour eux, les revers essuyés tout récemment (dégradation de la notation souveraine du pays à six reprises, classement dans plusieurs listes noires…) le prouvent de manière éloquente et, au moment même où la Tunisie dispose d’importants arguments en sa faveur : démocratie naissante, premier pays du printemps arabe, transition politique pacifique…
Concrètement, pour mettre au point cette stratégie de lobbying, les auteurs du rapport recommandent au gouvernement tunisien «de s’adjoindre les services d’un bureau spécialisé dans la communication et le lobbying».
Reconquérir le rating souverain d’antan
Last but not least, le rapport suggère pour améliorer l’image de la Tunisie à l’extérieur de s’employer au plus vite à reconquérir le rating d’antan. Dans cette optique, il propose de réintroduire l’agence Standard & Poor’s (S&P) dans le panel des agences qui notent la Tunisie, et ce au regard de son rayonnement et de son pouvoir d’influence sur les marchés financiers internationaux. Le rapport estime que «sa suppression de la listes des agences qui notent la Tunisie a été une erreur, en donnant l’impression que la Tunisie n’a pas l’intention de s’engager dans les réformes nécessaires, d’autant que les autres agences ont fini par s’aligner sur la notation accordée par S&P à la Tunisie depuis plusieurs années».
Parmi les autres mesures proposées par le rapport pour reconquérir le rating d’antan, le rapport insiste sur l’enjeu «d’accélérer en place les mesures prises pour renforcer le dispositif national de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme».
Par-delà la complémentarité et la cohérence des trois compartiments de cette stratégie, il n’en demeure pas moins que son succès demeure tributaire de la stabilité politique à l’intérieur du pays et, surtout, de l’homogénéité et de l’harmonie entre les deux têtes de l’exécutif, lesquelles manœuvrent, aujourd’hui, pratiquement sans aucune coordination.
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