Ce texte reprend l’hommage que l’auteur, président du groupe IC Publications (Londres-Paris), a rendu à la mémoire de son ami, Mohamed Ben Smaïl, lors de la soirée d’hommage qui lui a été rendu hier, vendredi 6 octobre 2018, à la Cité de a Culture de Tunis.
Par Afif Ben Yedder *
Je vais vous raconter une belle histoire: celle d’une amitié qui a duré un demi-siècle. Avouez que c’est beau?
J’ai eu la chance et l’immense bonheur avec mon épouse Emena de faire la connaissance de Si Mohamed, de sa femme, l’adorable Josette, et de leurs deux jeunes enfants.
L’hommage de ce soir est l’expression de l’affection que nous avons tous pour cet illustre Tunisien.
Je suis venu spécialement de Londres pour être avec vous. Je me suis arrêté à Rome.Une sorte de pèlerinage. C’est là en effet que j’ai rencontré pour la première fois Si Mohamed. Il était alors le rédacteur en chef de ‘‘Jeune Afrique’’. Il avait déjà une réputation internationale de grand journaliste. Je lui portais une admiration sans bornes. J’avais 22 ans. Il en avait 13 de plus. Il a été pour moi un maître, un mentor, un grand frère et un ami très cher. Il aurait pu poursuivre sa vie à l’étranger et faire une brillante carrière dans le journalisme. Il a décidé de faire sa vie en Tunisie et non à l’étranger.
Si Mohamed a fait partie de l’élite tunisienne qui a bâti la Tunisie moderne au moment de l’indépendance de notre pays. Absolument tout était à faire. Il a joué un rôle important, dans les secteurs public et privé, dans l’édification de la Tunisie. Au tourisme où il a été un précurseur. À la radio nationale où, en tant qu’intellectuel inclassable pour ne pas dire électron libre, il a estimé au bout de quelques mois qu’il n’y était pas à sa place.
Pour ma part, j’ai toujours considéré Si Mohamed comme un visionnaire dans le sens où il a tout de suite compris l’importance historique de l’ouverture de la Tunisie sur le monde. Le pays qui venait d’être libéré du colonialisme allait trouver en lui le champion du renouveau culturel et identitaire. Son pari sur la culture à travers l’édition a donné à une génération de créateurs et créatrices la possibilité de s’exprimer et d’être vus lus et entendus. L’aventure était audacieuse par sa nouveauté d’abord mais surtout par ce qu’elle se proposait d’achever : faire lire des écrivains tunisiens, africains et arabes, en français, en arabe et en anglais. Il a donc pris le pari très risqué de fonder sa maison d’édition Cérès Production qui allait devenir une grande réussite.
Qui aurait pu prédire que le petit enfant de Djerba allait devenir un monument de l’édition? Issu d’une famille aisée, il aurait pu être un homme d’affaires comme beaucoup de Djerbiens. Mais ce n’était absolument pas son choix. Il a toujours préféré le monde des idées et de la culture à celui de l’argent. C’était là sa véritable vocation.
Si Mohamed était très doué. Comme on dit, il est né sous une bonne étoile. Beau, intelligent, il impressionnait tout le monde. Qui n’a pas été sensible au charme nostalgique qui se dégageait et de son regard et de sa voix?
Le tout Tunis culturel, médiatique et politique était présent hier à l’hommage à Feu Mohamed Ben Smaïl.
Il avait une excellente plume et une très belle écriture. Il a pu trouver autour de lui une équipe dynamique très compétente et fidèle. Et il a su dénicher et rassembler de nombreux professionnels talentueux. Les écrivains, les artistes et les photographes trouvaient en lui un appui constant. Cérès Production est devenue la première maison d’édition du Maghreb, d’Afrique et du monde arabe.
Le chemin n’était pas du tout facile. Des obstacles de tout genre devaient être surmontés: l’étroitesse du marché, la censure, le peu de moyens… Et la réussite fut au rendez vous grâce au génie de Si Mohamed.
Vous savez tous que le succès ne lui est jamais monté à la tête. Il est resté tel que lui même : modeste et populaire. Il était profondément attaché à Djerba. Il aimait porter la «blousa» djerbienne. C’était un homme du peuple. Véritablement.
Il avait de grandes qualités professionnelles et humaines. Ce qui le rendait extrêmement attachant. Il a réussi sa vie et il a eu un destin hors du commun. La Tunisie lui doit beaucoup. Je garde un souvenir toujours vivace de Si Mohamed. C’est un être qui m’est très cher et qui a marqué ma vie comme très peu de personnes l’ont fait. Je suis éternellement reconnaissant à Si Mohamed de s’être pris d’affection pour Emena mon épouse et pour moi-même.
Je vous remercie.
* Fondateur et président de IC Publications.
Samedi prochain à la Cité de la Culture : Hommage à Mohamed Ben Smail
In memoriam : Mohamed Ben Smail nous quitte, vive Cérès Editions !
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