Vendredi dernier, 5 octobre 2018, un lycéen s’était suicidé. Ce n’est ni un fait divers ni un cas isolé. C’est un phénomène social qui dénote le profond malaise que vit aujourd’hui la Tunisie, explique le juriste et éditorialiste Chedly Mamoghli dans le post facebook que nous reproduisons ci-dessous.
«Pauvre enfant!
Le suicide des adolescents et des jeunes est devenu ces dernières années un phénomène social qui frappe tous les milieux, toutes les régions et au lieu de le traiter comme un phénomène social récurrent et très préoccupant sur lequel il faut se pencher, travailler et apporter des solutions, non, il est traité à chaque fois comme un fait divers et puis s’en va.
Que font les sociologues? A-t-on des sociologues? Voilà un sujet sur lequel ils doivent travailler. Durkheim lui a consacré un livre dès la fin du XIXe siècle devenu depuis un ouvrage de référence et ici, rien, que dalle! Pourquoi? Parce qu’ils sont cons, parce qu’ils sont indifférents. Il y a comme une indifférence vis-à-vis de la souffrance des autres.
Beaucoup d’imbéciles culpabilisent encore les gens qui se suicident or il ne s’agit aucunement de défendre l’acte mais de défendre ces pauvres personnes désespérées qui passent à l’acte.
Personnellement, je pense que ce n’est jamais de leur faute, ce sont des personnes incomprises, c’est la faute de la famille, des amis, de l’entourage et de la société en général qui n’ont pas détecté leur détresse ou font sciemment de ne pas détecter leur détresse.
Cette vie c’est le grand bal des faux-culs, la majorité des gens se la jouent sympas, affables voire veulent montrer un visage gentil mais quand ça va mal, on ne les voit pas. Ils se cassent et à ce moment-là, on se retrouve seul dans sa détresse. Certains s’accrochent, d’autres malheureusement décident de décrocher.
Cet enfant est une victime, une pauvre victime. J’ai lu, sur Facebook, des commentaires de gens qui avancent des thèses (harcèlement scolaire, problèmes familiaux et je ne sais pas quoi) et qui papotent sur ça. C’est de la curiosité malsaine. Il n’en pouvait plus de sa vie le pauvre, maintenant qu’il est parti, qu’on lui foute la paix. Qu’on le laisse au moins reposer en paix. Priez pour lui au lieu de vous adonner à cette curiosité malsaine.
Ce soir, je suis profondément dégoûté. Devant un tel drame, devant une telle tragédie humaine, tout devient dérisoire, tout devient insignifiant.
N’en déplaise à celles et ceux qui disent que pour les personnes qui se suicident, «Mé lézimich nitrahmou alihom» (Ne prions pas pour l’âme de deux qui ont commis le péché de se donner la mort), «Allah Yarhmou, Allah Yarhmou, Allah Yarhmou w Inchallah Irrahma il koll tousillou» (Que toute la Miséricorde atteigne son Âme. Pauvre enfant.»
Dans un autre statut facebook qui a suivi et dans le même esprit, Chedly Mamoghli a écrit pour que l’opinion publique prenne conscience de la gravité du problème et se saisisse du sujet:
«Depuis huit ans, le pays est géré comme une épicerie. Aucune vision. Aucune stratégie. Aucun cap n’a été tracé.
La jeunesse se suicide ou se jette dans la Méditerranée, l’économie est en panne, les horizons sont bouchées, la frustration est partout.
Il faut revoir de fond en comble ce système paralysant. Sortir de cette gestion calamiteuse du pays au quotidien. Gouverner n’est pas subir. Gouverner n’est pas réagir aux faits divers et aux contingences. Gouverner c’est prévoir, c’est définir un cap, c’est s’acharner pour l’atteindre. On ne gère pas un pays au jour le jour. C’est criminel.»
Tunisie : 300 tentatives de suicide parmi les enfants en 2017
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