Les négociations entre Noureddine Taboubi et Youssef Chahed ont échoué au sujet de l’augmentation des salaires dans la fonction publique. Le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a réagi très vite en annonçant, dans une surenchère populiste, une grève générale dans ce secteur, demain, jeudi 22 novembre prochain 2018.
Par Wael Mejrissi
Une augmentation des salaires dans la fonction publique semble complètement surréaliste dans un contexte de marges budgétaires très étroites.
Selon le dernier rapport sur l’état de la fonction publique, les fonctionnaires ont vu leur nombre multiplier par 16 depuis l’indépendance. Ils sont aujourd’hui plus de 690.000 ce qui est considérable en comparaison à la population qui n’est que de 11 millions. Car, selon des experts, 500.000 fonctionnaires auraient amplement suffi pour un pays de la dimension de la Tunisie.
Par ailleurs, le montant du salaire brut mensuel moyen dans la fonction publique est de 1.583 dinars. Et la masse salariale, elle, a augmenté de 10,89% entre 2010 et 2017. Elle représente aujourd’hui plus de 14% du PIB, le taux le plus élevé au monde. Le personnel de l’éducation nationale représente à lui seul 195.418 fonctionnaires soit 23,3% de toute la fonction publique.
Arrêtons le cercle vicieux de la hausse des salaires et de l’inflation !
Quelques chiffres qui devraient suffire à convaincre M. Taboubi mais la démagogie semble être meilleure conseillère pour le chef du syndicat majoritaire. Est-il nécessaire de rappeler que la Tunisie est lourdement endettée auprès du Fonds monétaire international (FMI), de l’Union européenne (UE), de la Banque Mondiale, de la Banque africaine de développement (BAD), et autres bailleurs de fonds, et que le taux d’endettement est passé de 40% en 2010 à plus de 70% en 2017? Est-ce tenable, alors que la machine de production est en berne et que les Tunisiens consomment plus qu’ils ne produisent ?
Comment envisager dans de telles conditions des hausses de salaires alors que le paiement des dépenses de fonctionnement ( des hôpitaux, des écoles et lycées, etc.) relève presque du miracle?
Le leitmotiv de M. Taboubi est l’inflation qui dépasse 7%, un taux rarement atteint jusque-là. Sauf que l’inflation touche toutes les catégories socioprofessionnelles et vouloir sanctuariser la fonction publique serait un très mauvais message envoyé au reste de la population, et notamment aux quelques 700.000 chômeurs, dont 200.000 diplômés du supérieur que compte le pays.
M. Taboubi perd totalement le sens des réalités en revendiquant inlassablement des hausses de salaires sachant que ces hausses sont parmi les principales causes de… la hausse de l’inflation.
Syndicalisme de posture… ou d’imposture
Par ailleurs, on aurait aimé entendre un jour M. Taboubi exhorter les salariés du secteur public à augmenter leur productivité, qui est à un niveau calamiteux, sachant que des dizaines de milliers de salariés sont payés pour ne rien faire. Beaucoup d’entre eux font d’ailleurs un second travail dans le privé ou… le circuit illégal (marché parallèle, contrebande et trafic de toutes sortes). De ces problèmes aussi, on devrait pouvoir parler un jour et examiner les moyens d’y faire faire pour sauver les finances publiques.
En effet, entre la ponctualité aléatoire, l’absentéisme devenu structurel et le rendement au ras des pâquerettes, il sera difficile voire utopique de défendre de meilleures conditions financières pour la fonction publique par le seul fait de l’inflation.
Il faut donc parier sur la responsabilité des partenaires sociaux qui ne peuvent plus échapper au discours de vérité à leurs adhérents. Pas sûr que M. Taboubi analyse la situation de notre pays par le prisme de la realpolitik pourtant nécessaire pour sortir du marasme économique et social dans lequel il se trouve.
Les prochaines élections à la tête de la centrale résonneront peut-être comme le couperet qui mettra un terme définitif à ce syndicalisme de posture… ou d’imposture.
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