Les comportements suicidaires des enfants doivent toujours être pris très au sérieux. Il est nécessaire que tous les acteurs concernés articulent leurs actions afin de soutenir une démarche de prévention cohérente ainsi qu’une prise en charge adaptée aux jeunes.
Par Najet Zammouri *
Nous savons tous que les droits de l’enfant sont des droits humains spécifiquement adaptés à l’enfant car ils tiennent compte de sa fragilité, de ses spécificités et des besoins propres à son âge. Ces droits tiennent compte de la nécessité de développement de l’enfant qui a donc le droit de vivre et de se développer convenablement tant physiquement qu’intellectuellement. Or nous remarquons que les menaces contre l’enfance persistent encore.
Les enfants sont victimes de toute sorte d’abus dont on a longuement discuté de certains mais il faudrait focaliser sur deux problèmes majeurs dont souffrent les enfants actuellement, l’un à une dimension universelle, l’autre est plutôt spécifique.
La guerre, les épidémies et les catastrophes naturelles
Au cours de ces dix dernières années, les conflits armés ont tué plus de 2 millions d’enfants dans le monde. Six millions ont été blessés ou mutilés à vie et on dénombre un million d’orphelins.
On estime aujourd’hui à plus de 300.000 le nombre d’enfants enrôlés de force dans des milices ou des groupes armés. Ils sont contraints de se battre et la moitié de ceux qu’ils tuent sont eux-mêmes des enfants. Que ce soit en Afghanistan, en Irak ou dans des régions d’Afrique dévastées par les conflits, l’Unesco a joué un rôle capital en apportant secours et éducation.
De la même façon, lors de catastrophes naturelles, les premiers à souffrir du manque d’installations sanitaires, d’infrastructure et d’ordre sont les plus vulnérables : les enfants. Ce sont les premières victimes des épidémies engendrées par les catastrophes naturelles.
En Tunisie, un phénomène social qui commence à prendre de l’ampleur en Tunisie depuis 2011, à savoir la disparition des enfants et le suicide. En effet, 77 avis de disparition d’enfants et 54 cas de suicide (20 garçons et 34 filles) et tentatives de suicide ont été enregistrés depuis le début de 2018.
La cherté de la vie, la pauvreté et la précarité financière sont les principales raisons de ces phénomènes à hauteur de 61%, notamment dans le gouvernorat de Sidi Bouzid; la région ou a été déclenchée la première étincelle de la révolution de 2011 et où on enregistre le plus de fugues et de tentatives de suicide. C’est aussi la pauvreté essentiellement dans les régions intérieures qui favorise davantage l’augmentation de délinquance et de cas de suicide chez les enfants.
En outre, les différents problèmes sociaux, entre autres, l’injustice, la marginalisation, la pauvreté, poussent à l’acte extrême. Face à cet inquiétant phénomène, les autorités restent, pour l’heure, sans réaction !
Cependant, le mal-être des mineurs ne concerne pas que les familles pauvres. En effet, le facteur économique ne peut pas être à lui seul la cause de suicide, c’est multifactoriel et il y a des personnalités plus vulnérables que d’autres.
Un autre facteur existe aussi : ce sont les médias et leur regard «simpliste» sur le suicide: la médiatisation excessive des cas de suicides contribue à l’amplification de nombre de passage à l’acte.
On a constaté qu’à chaque fois que des médias en parlent, on voit arriver le lendemain des mineurs qui ont fait une tentative de suicide, c’est systématique, on cite également d’autres supports comme Facebook, les feuilletons télévisés, les films…
Il faut reconnaître que la dépression, l’anxiété ont beaucoup augmenté depuis six ans. Mais la médiatisation demeure un «facteur de précipitation au passage à l’acte».
Les chaînes de télévision doivent respecter certaines règles telles que les mentions (-12) ou (-18) lorsqu’elles évoquent des sujets sensibles. Malheureusement, notre société assimile la maladie psychique à une déviance honteuse et qui perçoit la consultation auprès d’un professionnel en la matière comme «une honte à cacher».
Au lieu de simplifier les causes qui sont souvent multiples, il faut chercher à poser les vrais débats. Les mineurs en souffrance psychiques sont souvent des victimes d’abus sexuels, émanant parfois des membres de leur propre famille
Mise en place d’une politique de prévention
Suite à la multiplication des cas de suicide chez les enfants en Tunisie, nous recommandons la mise en place d’une politique de prévention. Il s’agit notamment d’installer un bureau d’assistance psychologique dans les différents établissements scolaires afin d’être à l’écoute des préoccupations des jeunes. La prévention commence par la reconnaissance de l’enfant en souffrance, le diagnostic du comportement suicidaire et l’évaluation des facteurs de risque par les professionnels.
En conclusion, le suicide est un phénomène complexe qui a suscité des opinions oscillant entre la condamnation, la réprobation et la tolérance. C’est dans ce contexte que les comportements suicidaires des enfants doivent toujours être pris très au sérieux. Il est nécessaire que tous les acteurs (institutionnels, professionnels et bénévoles) articulent leurs actions afin de soutenir une démarche de prévention cohérente ainsi qu’une prise en charge adaptée aux jeunes.
* Membre du comité directeur de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH).
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