Selon l’Alliance pour la sécurité et les libertés (ASL), le projet de loi organique portant organisation de l’état d’urgence proposé par le président de la république est un instrument qui déroge aux droits et libertés et qui rase les garanties constitutionnelles et conventionnelles.
L’ASL, regroupant plusieurs organisations de la société civile (Al Bawsala, Avocats Sans Frontières, Jamaity, Forum tunisien des droits économiques et sociaux, Ligue tunisienne des droits de l’homme, Mobdiun, Organisation mondiale contre la torture, Psychologues du Monde-Tunisie, Solidar Tunisie), a élaboré plusieurs commentaires concernant les différentes dispositions du projet de loi portant organisation de l’état d’urgence proposé par le président de la république et discuté en ce moment à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
ASL a présenté ses commentaires aux députés membres de la commission parlementaire des droits et libertés lors d’une séance d’audition au sein de la commission, jeudi dernier, 14 février 2019.
Les associations membres d’ASL sont en train de suivre le débat et l’examen du projet de loi au sein de la commission qui a clôturé les auditions et qui a commencé à examiner les articles. Elles rappellent aussi que le président de la république a déclaré, le 11 mars, lors de la réunion du Conseil national de sécurité qu’il ne déclarera plus l’état d’urgence en se basant sur le décret de 1978 et que les députés doivent voter le projet de loi avant le 4 avril 2019.
ASL tient à souligner que le projet de loi tel que présenté restreint les droits et libertés des citoyens en rasant les garanties constitutionnelles et appelle les députés à ne pas adopter ce projet de loi dans sa version actuelle et de l’amender en profondeur afin de respecter les droits et libertés fondamentaux protégés par la Constitution.
Dans un communiqué, l’ASL apporte les précisions suivantes : «‘‘La loi détermine les restrictions relatives aux droits et libertés garanties par la présente constitution, et à leur exercice, sans que cela ne porte atteinte à leur essence’’, tel que l’indique l’article 49 de la Constitution.
«Malgré cette disposition du texte suprême, nous enregistrons aujourd’hui une application du décret n°50, du 26 janvier 1978 relatif à l’état d’urgence qui a été imposé dans des circonstances politiques, sociales et historiques qui ne conviennent plus à la Tunisie postrévolutionnaire. Ainsi, les droits et libertés se voient dérogés par des décisions du pouvoir exécutif sans procédures et mesures de contrôle bien définies ou de possibilités de recours judiciaires efficaces et ce, sous couvert d’un simple décret en violation de l’article 65 de la Constitution qui impose la forme de loi organique aux textes relatifs aux libertés et aux droits de l’homme.
«Ce décret est aujourd’hui remis en cause quant à la forme par le présent projet de loi organique mais pas quant au fond : en effet, ce projet reprend la majorité des dispositions qui portent atteintes aux droits et libertés et au fonctionnement normal des institutions et des pouvoirs publics.
«Il est à noter en premier lieu que l’état d’urgence n’est pas traité explicitement par la Constitution. Vu que la déclaration de cet état d’urgence entraîne l’application de dispositions dangereuses pour les droits et libertés et un renforcement des pouvoirs exécutifs qui empiètent sur les autres pouvoirs, il est important que l’état d’urgence soit limité dans le temps et bien défini pour que les raisons de son déclenchement et de la fin de cette période soient biens encadrés; et ce de sorte que cette situation ne puisse engendrer que des mesures nécessaires pour le rétablissement de l’ordre, la sécurité ou la sûreté du pays ou de la région concernée par l’état d’urgence.
«En second lieu, la loi devrait garantir la transparence et la publicité des décisions prises dans le cadre de l’état d’urgence afin que d’une part, les pouvoirs publics et en premier lieu les pouvoirs judiciaire et législatif puissent contrôler la proportionnalité, la nécessité, l’efficacité et la conformité de ces mesures avec les dispositions en vigueur et d’autre part, que les personnes concernées par ces mesures puissent être notifiées de la décision et la contester devant un juge de référé apte à répondre à ce recours dans un délai assez court.»
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