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‘‘Bidoun 3’’ du réalisateur Jilani Saadi : Seul contre tous

Le dernier film du cinéaste tunisien Jilani Saadi ‘‘Bidoun 3’’ est sorti le mercredi 3 avril 2019 dans les salles de cinéma tunisiennes, un film sur la quête de soi qui échappe à tous les codes esthétiques et cinématographiques.

Par Fawz Ben Ali

‘‘Bidoun 3’’ est le troisième volet d’une trilogie de l’auteur, un long-métrage de fiction qui sort 5 ans après ‘‘Bidoun 2’’ ayant reçu la Mention spéciale du jury aux Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2014).

Jilani Saadi qui a signé des films cultes du cinéma tunisien comme ‘‘Khorma’’ (2002) ou encore ‘‘La tendresse du loup’’ (2007), est l’un des représentants du cinéma indépendant, dans tous les sens du terme. Fidèle à lui-même, il sort encore une fois un film sans la moindre subvention ou aide financière étatique ou privée, et sans se soucier des règles cinématographiques communes.

Une composition dramatique assez surprenante

‘‘Bidoun 3’’ a été entièrement tourné en 2016 à Bizerte, ville natale et lieu fétiche du cinéaste, autour de Momo et Douja, deux personnages principaux de deux histoires parallèles dans le film. Jilani Saadi a en effet pris le pari audacieux de raconter deux récits complètement indépendants et de ne les joindre qu’à la fin du film pour en faire une seule composition dramatique assez surprenante mais très juste.

Lina Elleuch.

D’un côté, il y a Momo (joué par Hached Zammouri), à la soixantaine, complètement déboussolé après la mort de sa mère, qui sombre dans l’alcoolisme et vit de grandes crises existentielles qui l’enfoncent davantage dans la solitude et l’hostilité envers tout ce qui l’entoure.

De l’autre côté, il y a Douja (Lina Elleuch), une jeune fille de 20 ans, passionnée de musique qui se trouve contrainte de quitter sa famille et sa ville natale Bizerte pour chanter et vivre librement mais qui se trouve toujours étouffée par un petit-ami oppressant et profiteur.

En rupture totale avec leur environnement, les personnages de ‘‘Bidoun 3’’ s’accrochent à un passé, à un rêve ou à un idéal, ce sont des antihéros en marge de la société, des codes et des mœurs que Jilani Saadi dit avoir construits en s’inspirant de personnes réelles. D’ailleurs le film dénote un réalisme poignant, qu’on oublie parfois qu’il s’agit d’une fiction, d’autant plus que les acteurs sont méconnus du grand public. «Je ne fais pas de différence entre le documentaire et la fiction dans ma manière de filmer», souligne le cinéaste dans une projection de presse en présence de l’équipe du film.

Une caméra dans tous ses états

En effet, le film repose sur une esthétique très particulière où les images sont pixélisées, les scènes mouvementées sous un effet de brouillard, parfois de flou voulus par le cinéaste. Un univers très proche de celui des documentaires expérimentaux mené par une caméra qui se permet d’être dans tous ses états; elle est à l’image des personnages qu’elle filme, libres et perdus à la fois. «Ce qui m’intéresse c’est ce qu’on ressent, et non pas ce qu’on comprend», dit Jilani Saadi, qui croit en «un cinéma du direct», comme il aime l’appeler.

Hached Zammouri.

«Le cinéma du direct» c’est aussi laisser place à l’improvisation et donner une marge de liberté aux acteurs dans la construction du dialogue, explique le cinéaste, ce qui a appuyé davantage l’aspect réaliste et très humaniste du film, où la musique a joué un rôle de taille avec le personnage de Douja (chanteuse) et la participation du jeune musicien Selim Arjoun qui s’est chargé de réarranger des chansons phares du répertoire tunisien, ce qui a donné du sens et du rythme à beaucoup de séquences.

‘‘Bidoun 3’’ ne plaira probablement pas à tout le monde de part ses choix techniques et esthétiques particuliers, mais il a le mérite de sortir des sentiers battus, de passer à côté d’une image léchée pour proposer un langage cinématographique personnel et de mettre en vedette des personnages marginaux que même le grand-écran refuse souvent d’intégrer.

Le film est en ce moment dans les salles Le Rio, l’ABC, Le Parnasse (centre-ville de Tunis), Amilcar (Manar 1), Ciné-Madart (Carthage), Pathé (Géant) et Le Métropole (Menzel Bourguiba).

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