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Enjeux et préoccupations de la médecine esthétique en Tunisie

Samia Guerbaa, Slim Ben Salah et Tarak Cherif.

La médecine esthétique est l’ensemble des actes médicaux visant à améliorer l’apparence physique d’une personne ou à diminuer et retarder les effets du vieillissement. En plein développement en Tunisie, cette nouvelle discipline de la médecine fait l’objet de vifs débats, notamment sur les plans législatif et économique.

Par Cherif Ben Younès


C’est dans ce contexte que la première édition de la Journée syndicale de médecine esthétique s’est déroulée le samedi 20 avril 2019, à l’hôtel Le Paris, aux Berges du Lac de Tunis. Un événement organisé par le Syndicat tunisien des médecins esthétiques (Sytmes), en partenariat avec la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect) et le Conseil national de l’ordre des médecins de Tunisie (Cnom).

Ce rassemblement, qui a pour objectif de contribuer à la pérennisation de la médecine esthétique tunisienne en tant que compétence médicale à part entière, a notamment connu la signature d’une convention entre le Sytmes et la Conect, faisant de ces deux institutions des partenaires stratégiques au service de la réalisation des objectifs liés au secteur.

Le plus important de ces objectifs est la préservation des intérêts et des droits des médecins esthétiques en Tunisie, et pour ce faire, l’ensemble des syndicalistes, médecins et responsables qui ont intervenus ont été unanimes sur l’importance de lutter contre le dévoiement des actes de médecine esthétique et anti-âge dans les centres et établissements non médicalisés, appelant à standardiser, en parallèle, les pratiques liés à cette compétence et à mettre en place des formations continues destinées aux médecins esthétiques afin de consolider leurs compétences.

Des mesures qui s’inscrivent dans le cadre d’une revendication plus globale, à savoir la reconnaissance de la discipline de la médecine esthétique par l’État tunisien. Cette reconnaissance revêt un intérêt double : structurel et fonctionnel, et sa nécessité émane des difficultés que connaît le secteur et qui pénalisent considérablement la crédibilité de ses opérateurs et les opportunités de son évolution.

Dans son mot d’ouverture, Samia Guerbaa, présidente du Sytmes, a, en outre, évoqué l’importance de mettre en avant la satisfaction de la patientèle et la préservation de sa sécurité, ainsi que l’importance de lutter contre le détournement des dispositifs professionnels pour un usage domestique ou non médical hors de toute condition de sécurité.

Tarak Cherif et Samia Guerbaa.

Nécessité de la mise en place d’un cadre légal

Tarak Cherif, président de la Conect, a de son côté considéré que le secteur de la médecine esthétique mérite «toute l’attention et tout le respect», du fait des multiples perspectives qu’il offre, assurant, par ailleurs, qu’il faut faire face à plusieurs obstacles susceptibles d’être rencontrées, à l’instar de l’existence de forces en Tunisie, provenant notamment de son administration, qui rejettent toute tentative d’évolution et qui cherchent à «geler le pays», afin de se maintenir dans leurs zones de confort. «Je n’arrêterai jamais de le rappeler, parce que je sais que si ce pays n’entreprend pas les changements nécessaires, il n’y aura aucune perspective, particulièrement pour les jeunes», a-t-il signalé, regrettant «le niveau de désespoir incroyable» chez ces derniers.

M. Cherif a affirmé, d’autre part, que cette situation ne concerne pas seulement la médecine esthétique, mais également d’autres secteurs d’activités en Tunisie qui manquent d’attention et de financement de la part des autorités responsables, ce qui les empêche d’évoluer, et ce qui prépare le terrain à la concurrence déloyale nationale et internationale.

Une menace particulièrement préoccupante pour le président de la Conect, qui a appelé à une lutte collaborative contre ce fléau afin de le maîtriser, insistant sur la nécessité d’un cadre législatif qui garantit les droits des professionnels du domaine. Tarak Cherif regrette, à cet effet, le fait qu’en Tunisie, «il n’y a pas la compétence qu’il faut au niveau du dispositif législatif», remettant en question la qualification des députés de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

«Une fois qu’on aura mis en place le cadre légal nécessaire, il pourra y avoir beaucoup d’investissement dans le secteur de la médecine esthétique», a-t-il conclu, ajoutant que, sans cela, personne n’investirait dans ce domaine, qui manque, d’après lui, de visibilité, à l’heure actuelle.

Se soucier de l’éthique et de la déontologie du métier

Le président du Cnom, Slim Ben Salah, a, lors de son allocution, particulièrement mis l’accent sur la déontologie du domaine de la médecine : «Notre profession est honorable et respectable, et nous devons faire en sorte qu’elle le reste. L’Ordre est là pour veiller aux règles, à la déontologie et à l’éthique de l’exercice».

M. Ben Salah a rappelé, par ailleurs, que ce n’est pas l’Ordre des médecins qui régule les académiciens, mais l’État, et ce via ses ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur, relevant ainsi une problématique à laquelle il faut faire face au niveau de ces deux institutions gouvernementales : la disparition, dans l’avenir, de la médecine générale, qui sera remplacée par une spécialité : la médecine de famille. «Je ne sais pas comment les futurs médecins de famille, qui seront des médecins spécialistes, vont-ils pouvoir exercer votre spécialité à vous [la médecine esthétique]», s’est-il demandé en s’adressant aux dizaines de médecins esthétiques présents dans la salle.

Le président de l’Ordre des médecins a évoqué un autre problème lors de son intervention : le retard dans l’exécution des décrets et des lois. «Le dernier décret date de 2004. Aujourd’hui, nous sommes devant des demandes, et nous sommes harcelés pour accorder des autorisations relatives à vos compétences afin que vous puissiez exercer», s’est-il indigné, ajoutant qu’il y a deux types de formations, une étatique et l’autre privée, et que ce n’est pas au Cnom de les reconnaître.

Sami Ben Hareth, membre du Cnom, a également pris part au débat, soulignant que dans la mesure où la médecine esthétique est une discipline nouvelle, qui traduit l’évolution du secteur médical de façon générale, les textes régissant la déontologie de ce métier doivent s’y adapter et être différents de ceux des autres spécialités de la médecine.

 Un projet devant donc faire l’objet d’un travail rigoureux, déjà
entamé par Nazih Zghal, secrétaire général du Cnom, qui a joué,
auparavant, un rôle déterminant dans l’intégration de la médecine
esthétique aux compétences gérées par son organisme et qui a
grandement contribué à la collaboration entre le syndicat des médecins
esthétiques et l’Ordre des médecins.

Des soucis à régler en vue d’une meilleure exploitation économique

De son côté, Ismaël Ben Salha, président du GP des importateurs et des exportateurs des produits pharmaceutiques et paramédicaux au sein de la Conect, a affirmé que les appareils, produits et outils dont se servent les médecins esthétiques font l’objet de problématiques d’ordre économique, liées essentiellement à la surtaxation et à la lenteur du processus d’importation, notamment à cause des mesures de contrôle.

D’un autre côté, dans le contexte actuel de l’économie nationale, qui est aujourd’hui sérieusement amoindrie, la médecine esthétique peut contribuer au développement du tourisme médical, un concept qui consiste à se faire soigner dans un pays autre que celui où l’on réside pour bénéficier des soins et/ou des prix qui ne sont disponibles qu’à l’étranger.

C’est autour de ce sujet que s’est articulée l’intervention de Houssem Ben Azzouz, président de la Fédération interprofessionnelle du tourisme tunisien (Fi2t).

Mais ce dernier ne s’est pas vraiment montré optimiste par rapport à ce sujet, affirmant qu’il y a des problèmes de rentabilité en ce qui concerne le secteur du tourisme médical, qui n’est, en outre, pas adapté à la demande mondiale touristique, de plus en plus segmentée et spécialisée.

M. Ben Azzouz a mentionné d’autre part la menace de la concurrence déloyale, notamment étrangère, et plus précisément turque, qui freine considérablement et de plus en plus cette opportunité économique.

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