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Tunisie: Le henné en perte de vitesse, la région de Gabès est-elle en train de perdre son «or rouge» ?

Les importations d’une version traitée du henné en provenance du Soudan, du Yémen et d’Inde, sont de plus en plus populaires en Tunisie et même dans la région de Gabès où cette plante a été de tout temps une ressource économique de premier plan.

Par Amina Mkada

Le journal indien « NDTV », reproduisant une dépêche AFP, a publié un long article sur le déclin de la culture du henné à Gabès, indiquant que dans et autour de cette ville du sud-est tunisien, le henné a longtemps été un moteur essentiel de l’économie, à tel point que cette plante est connue sous le nom d’«or rouge».

Mais une crise de l’eau et des habitudes de consommation, en constante évolution, poussent les agriculteurs à réfléchir deux fois avant de planter des arbustes de henné, en dépit des feuilles convoitées de cette plante, qui ont été broyées pendant des siècles, pour peindre des tatouages ​​temporaires sur les ongles, se teindre les cheveux et les mains, en particulier lors des fêtes de mariage.

Enorme pression sur les réserves d’eau

«Gabès est en train de mourir à cause du manque d’eau», explique Houcine Akrout, qui creuse des canaux complexes autour de ses plantes vertes, afin de maximiser le flux d’eau. Akrout travaille d’arrache-pied, car l’approvisionnement en eau locale passera par un canal à son lopin de terre, chose rare de nos jours, à cause du rationnement du gouvernement.

L’urbanisation et la demande croissante d’eau pour l’industrie et l’agriculture ont exercé une pression énorme sur les réserves d’eau de la Tunisie, selon la Banque mondiale. Une étude menée en 2016 sur les ressources en eau en Tunisie a révélé que les pertes du réseau d’irrigation ont atteint 40 à 50%.

Pour des agriculteurs comme Akrout, cela signifie attendre 15 à 20 jours pour avoir accès à l’approvisionnement en eau. La situation est telle, qu’il a arraché la plupart de ses arbustes de henné, et les a remplacés par des grenadiers, une espèce beaucoup moins exigeante en eau.

«Le henné ne me rapporte pas d’argent», dit-il. «Ce n’est plus rentable et j’ai besoin de vivre et de soutenir ma famille». L’approvisionnement en eau coûte 2,8 dinars (1,10 dollar, 0,93 euro) l’heure. Au milieu de l’été, l’attente peut atteindre 40 jours, admet Amel, une responsable du ministère de l’Agriculture. La pollution de l’approvisionnement en eau due à une usine chimique a vu les agriculteurs abandonner des terres dans l’oasis sur la côte méditerranéenne, au cours des dernières décennies.


À Jara, principal marché de Gabès, des stands regorgent de henné et d’encens, mais les rues sont vides.

Baisse de la demande de henné locale

Seules 645 tonnes de henné ont été récoltées dans la région de Gabès en 2016/17, soit 20% de moins que la campagne précédente. Cependant, d’autres facteurs, notamment la pénurie de main-d’œuvre, sont également à l’origine du déclin à long terme. Et ce ne sont pas uniquement les pressions exercées sur l’offre qui minent le marché: la demande de henné locale diminue également, les gens optant pour des alternatives étrangères.

Au fil des siècles, les feuilles de henné étaient séchées et réduites en une poudre fine, avant d’être mélangées à de l’eau, pour créer la pâte convoitée par les populations d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie. Les gens ne veulent pas toujours conserver leur travail d’art aussi longtemps.

Ainsi, les importations d’une version traitée de henné en provenance du Soudan, du Yémen et d’Inde sont de plus en plus populaires, avec des produits chimiques ajoutés, limitant la pénétration de la peau et facilitant le lavage des mains.

Avant les mariages, le colorant prêt à l’emploi est remis aux invités dans des boîtes décorées. Les versions importées traitées prennent la relève du produit local. Et bien que jadis populaire en tant que remède de grand-mère pour tout, des migraines aux problèmes de peau, les jeunes gens sont plus sceptiques quant aux pouvoirs de guérison du henné.

A Tunis, la capitale, des shampoings à base de henné ont commencé à se vendre dans les magasins de produits de beauté. Seuls quelques entrepreneurs vendent le henné tunisien à l’étranger, sans aide de l’Etat. Aussi, les exportations sont minimes, malgré la bonne qualité produite par les agriculteurs de Gabès.

À Jara, principal marché touristique du centre de Gabès, de grands stands regorgent de henné et d’encens, mais les rues sont vides. Les commerçants se plaignent, que le filet de touristes ne suffit pas à compenser le désintérêt de la population locale.

Un commerçant déplore la popularité croissante d’autres produits et traitements de beauté, à mesure que les modes de vie changent. De nouvelles formes de teintures et manucures ont remplacé la henné aujourd’hui.

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