Il faut traquer les «gacharas», ces intermédiaires/revendeurs, véritables gangsters du marché, qui provoquent des situations de pénuries et sont en grande partie la cause de la hausse des prix des denrées alimentaires. Affamons-les avant qu’ils n’affament agriculteurs et consommateurs.
Par Mohamed Sadok Lejri *
Il y a un problème dont on ne parle pas assez et qui saigne à blanc les familles tunisiennes : les «gacharas» (ou intermédiaires). Je trouve que les journalistes ne s’intéressent pas assez à ce problème vital. Certains en parlent de façon ponctuelle, mais n’explorent pas cette question dans ses moindres coins et recoins. Ce problème se pose en Tunisie avec beaucoup d’acuité, même si les prix accusent un net recul depuis quelque temps.
En effet, tout le monde sait que les intermédiaires/revendeurs sont en grande partie responsables de la hausse des prix des fruits et légumes, ils provoquent également des perturbations dans l’équilibre du marché.
Les «gacharas» exploitent agriculteurs et consommateurs
En effet, des acheteurs sans scrupules et mus par l’appât du gain se sont accaparés le marché des produits alimentaires de base. Les produits en question passent par les mains d’intermédiaires superposés dont chacun prélève au passage son bénéfice… et ils arrivent sur les étals des marchés municipaux et les cageots des marchands ambulants à des prix élevés.
La différence qui existe entre le prix payé à l’agriculteur et le prix du marché est abyssale. Un agriculteur m’expliquait l’autre jour que certains «gacharas» ont mis de grandes terres agricoles en coupe réglée et soumettent les terres qui tombent sous leur joug à un contrôle draconien; ils contrôlent strictement toutes les entrées et sorties des denrées.
Nombreux sont les agriculteurs à se sentir exploités. L’absence de l’Etat est particulièrement sensible et certains d’entre eux se murent dans le silence par crainte des représailles.
En Tunisie, les revendeurs sont de véritables gangsters qui se sont accaparés le marché des denrées alimentaires; ils provoquent des situations de pénuries et sont en grande partie la cause de la hausse des prix. Leur organisation et leur cynisme tiennent vraiment du grand banditisme. On a l’impression que l’Etat se trouve impuissant et désarmé devant ce réseau très développé, devant cette machine bien rodée.
Vers une organisation plus dirigiste pour assainir le marché
L’Etat devra, tôt ou tard, limiter au maximum le nombre des revendeurs et diriger ses efforts vers une organisation plus dirigiste pour assainir le marché et avoir une forte influence sur les prix. Pour ce faire, une action sévère contre ces revendeurs-gangsters s’impose. Il faut traquer ces affameurs et les éliminer avec une rigueur qui doit servir d’exemple, et ce, en imposant une discipline générale et une coordination rigoureuse de la circulation des produits et en privant radicalement les «gacharas» cupides de l’accès aux denrées alimentaires. Nous ne trouverons le salut qu’en affamant les affameurs.
P.-S. : Le problème est beaucoup plus complexe que je ne vous l’ai présenté, je vous l’accorde, puisqu’il remonte à très loin (bien avant 2011) et dépend de plusieurs paramètres. Toujours est-il que ce sujet doit absolument être traité avec tout le sérieux qu’il mérite. Il faut attaquer le mal à la racine, trouver des solutions dans un très proche avenir – avant que le ventre ne s’affame et que les oreilles n’entendent plus – et ne plus se contenter de chouiner devant la hausse des prix.
* Universitaire.
Donnez votre avis