Le fait médiatique et politique marquant de la semaine écoulée est sans conteste la fameuse sortie de Seifeddine Makhlouf dans son entretien avec Hannibal TV avec ses propos diffamatoires à l’encontre du leader Habib Bourguiba.
Par Ali Sellami *
Suite à cette piètre prestation télévisuelle, la polémique a enflé et les réactions se sont succédé de tous bords et de tous horizons pour condamner les propos haineux, indignes et de surcroît mensongers de Makhlouf à l’adresse du leader charismatique, éclairé et visionnaire, artisan de l’indépendance et bâtisseur de la Tunisie moderne.
J’estime que Makhlouf était bien dans son rôle d’apôtre du révolutionnisme, de défenseur de l’intégrisme et de légitimateur du terrorisme. N’ayant rien de pertinent et de fondamental à exposer ni à faire valoir, il s’est saisi, tel un affamé, d’un beau morceau gracieusement tendu par une journaliste égarée, pour étriller un «grand homme», ayant marqué l’histoire de la Tunisie, et de l’espace méditerranéen dont la vision philosophique, politique et humaniste est diamétralement opposée à celle de Makhlouf et de sa coalition Al-Karama.
Ma perception de cet épisode devenu affaire d’opinion publique est différente et bien plus simple. Elle ne focalise nullement sur l’épiphénomène Makhlouf voué, comme tant d’autres avant lui, à l’oubli de l’histoire. De fait, dès le début de l’émission, je ne me suis nullement intéressé à lui ni à ses propos ni au costume cravate qu’il arborait piètrement.
Mon focus était totalement concentré sur la journaliste de service, Samah Meftah, présentatrice de la principale émission politique sur la chaîne Hannibal. Dès sa première apparition à l’écran, et à la découverte de son allure sur le plateau, j’avais le pressentiment qu’elle ne sera pas à la hauteur face à son invité.
Je présente ci-après, en dix points la faiblesse criarde montrée par la journaliste qui a débouché à la prestation «éclatante» de son vis-à-vis.
1- La journaliste avait d’entrée de jeu une posture bizarre sur le plateau. Sa position sur son tabouret haut (chaise de bar) ne lui conférait qu’un seul point d’appui. Tout au long de l’émission, elle avait un pied pendant synonyme d’inconfort et de malaise physique. Son manque de stabilité et son embarras étaient clairs et perceptibles. Sa posture en déséquilibre l’a gênée tout au long de l’émission et a largement impacté sa concentration et sa prestation. Mais cela n’est pas de sa seule faute, mais de celle aussi du réalisateur qui lui a fait subir un tel supplice.
2- La journaliste, dépourvue d’une réelle expérience et de solides références en matière de débats télévisuels (hormis ceux de la compagne présidentielle) ne dégageait pas une personnalité captivante ni une présence distinguée. Son profil journalistique ne présente aucune empreinte ni âme particulière, c’est une copie mal réalisée et un mélange mal dosé de quelques uns de ses prédécesseurs sur la chaîne (Samir El-Wafi, Arbia Hamadi…). Elle multipliait les répliques génériques et banales sans réelle authenticité ni profondeur.
Son invité s’est rapidement aperçu de cet état de fait et l’a malheureusement bien exploité.
3- Le constat était clair, la journaliste n’a pas «bossé» son dossier du jour et n’a pas bien préparé son émission. Indiscutablement, elle a manqué d’intelligence dans la recherche de ses thèmes et de sérieux et de profondeur dans la préparation de ses questions et répliques.
4- La journaliste croyait avoir affaire à l’un de ces apprentis de la politique et de l’art de la dialectique. Elle n’a pas étudié la personnalité composée, complexe, arrogante et surtout euphorique de son interlocuteur, ni mis en place une stratégie pour le déstabiliser, le contrecarrer ou le recadrer. Le résultat est une domination totale dans la présence, dans le discours, et dans la rhétorique.
5- À aucun moment de l’émission la journaliste n’est arrivée à imposer son rythme, son métier ou son talent. Son vis-à-vis, fort de son arrogance et de sa maîtrise oratoire, la baladait dans ses thèmes et thèses à lui. Mieux encore, il s’est très rapidement mis sur le terrain de l’attaque, de l’intimidation et de la démagogie en lui rétorquant systématiquement des questions auxquelles elle ne pouvait répondre.
6- Les questions posées par la journaliste, à moins qu’elles n’aient été convenues – ce dont je doute fort –, étaient assez convenues voire avantageuses pour son interlocuteur. Des questions banales, attendues et répétées à l’ennui. Le vis-à-vis se régalait d’avoir des réponses toutes prêtes et toutes faites. Au fil du temps, il a fait le plein de confiance et d’assurance jusqu’à s’attaquer au symbole absolu de la Tunisie et de son peuple.
7- Le seul instant où Makhlouf s’est trouvé en situation de fragilité par l’aveu de son état d’évadé et de délinquant fiscal, la journaliste, sans doute faute de culture générale et de savoir-faire journalistique, n’a pas su profiter de l’instant pour marquer l’incrimination de l’intéressé et révéler clairement à l’opinion publique les pratiques frauduleuses, les penchants malhonnêtes et les prédispositions véreuses du futur député, fervent défenseur de l’immunité parlementaire. Ceci explique sans doute cela : la peur de devoir rendre des comptes.
8- La question se rapportant à l’opinion de Makhlouf concernant une hypothétique proposition de remplacer la photo de feu Bourguiba par celle de Jérusalem (Al Qods) est un cas d’école dans sa crédulité et dans sa banalité. En effet, quel rapport existe-t-il entre un homme d’Etat, et une ville soit-elle sainte ? Existe-t-il un soupçon d’intérêt journalistique d’information, d’analyse ou autre ? Le seul intérêt avéré est que notre journaliste a offert à son interlocuteur, dont elle connaît le sentiment vis-à-vis de Bourguiba, la belle opportunité de vider son poison et sa méchanceté à l’encontre du bâtisseur de la Tunisie moderne.
9- Subissant de plein fouet le revers de la sa maladroite question, la journaliste a essayé de réagir et de rétorquer aux propos insultants de son vis-à-vis. Mais une nouvelle fois, elle s’est montrée très faible et très limitée, sans réelle culture, ni présence d’esprit. Elle était incapable de dire par exemple:
• Bourguiba est l’artisan de l’indépendance de la Tunisie.
• Bourguiba est le bâtisseur de la Tunisie moderne avec ses institutions et ses structures économiques et sociales.
• Bourguiba est le libérateur de la femme et le maître d’œuvre du code du statut personnel.
• Bourguiba est le fondateur de l’enseignement laïc et gratuit pour tous les Tunisiens, qui a permis à Me Makhlouf, entre autres, de devenir avocat et de se faire élire à l’Assemblée.
• Bourguiba est l’artisan de l’organisation administrative de la Tunisie et de l’éradication du tribalisme.
• Bourguiba est le visionnaire en matière de politique étrangère et de relations internationales.
• Bourguiba est le maître d’œuvre du redressement moral de la nation et de la rénovation des mentalités.
• Bourguiba est l’apôtre de la valeur du travail.
• Bourguiba est le premier défenseur de la cause palestinienne et le seul chef d’Etat arabe à avoir accueilli à bras ouverts, à Tunis, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en exil…
La journaliste n’avait ni le courage, ni la promptitude d’esprit pour rappeler à son interlocuteur la sa grandeur de l’homme et l’importance de son œuvre de construction nationale.
10- La journaliste était totalement dans l’échec journalistique. Elle n’a pas assumé son rôle qui consiste à mener l’interview en étant maître du jeu. Systématiquement son vis-à-vis s’écartait des questions posées et des chemins prévus; systématiquement, elle échouait à ramener la conversation dans le plan d’action prévu, si plan il y avait.
La journaliste, par son manque de métier, sa faible connaissance des dossiers et sa culture générale assez limitée, a aidé à la promotion d’un individu qui sème la discorde et qui dénigre les acquis et les symboles de toute une nation. Elle a tout simplement oublié qu’un journaliste n’est jamais au service de l’interviewé mais bien au service du public vers lequel il adresse son émission.
* Expert-consultant auprès des entreprises.
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