À en croire notre confrère Taoufik Hebaieb, directeur du magazine ‘‘Leaders’’, le chef de gouvernement désigné Habib Jemli aurait plusieurs points en commun avec le président français Emmanuel Macron. Imaginez lesquels…
Par Imed Bahri
En politique, Taoufik Hebaieb a le génie (et dans son cas le mot est faible) de vous vendre tout, c’est-à-dire «n’importe quoi», comme dirait mon fils. Sa capacité de lisser, d’enjoliver et de faire reluire est sans limite. La preuve, il a réussi, grâce aux portraits et aux entretiens qu’il leur a faits dans son magazine ‘‘Leaders’’ de nous «vendre» (car il est un commercial hors-pair) toute la camelote politique de l’avant et de l’après-révolution du 11 janvier 2011 (c’est vous dire qu’il est un homme de toutes les époques): de Zine Al Abidine Ben Ali à Rached Ghannouchi, en passant par Hamadi Jebali, Moncef Marzouk et autres Ali Laarayedh, pour ne pas citer les seconds couteaux qui ont bénéficié de ses opérations de lifting, souvent, on l’imagine, sonnantes et trébuchantes, comme toute opération de lifting.
Un leader en chasse toujours un autre
À la présidence de la république, il se raconte d’ailleurs une blague savoureuse : M. Hebaieb a été le dernier «journaliste» (les guillemets s’imposent) à quitter le palais de Carthage, la veille de la fuite de Ben Ali, et c’est lui, paradoxalement (mais le paradoxe ici n’est qu’apparent), qui a été le premier à y revenir, le lendemain de l’entrée triomphale de Marzouki… avec 3000 voix et un adoubement providentiel d’Ennahdha.
Beaucoup disaient, à l’époque, que les deux hommes n’allaient pas s’entendre, et que le second n’allait pas tarder à chasser le premier ; et pourtant, c’est le contraire qui se réalisa : ils se sont merveilleusement bien entendus. On vous laisse imaginer le plus souple, le plus flexible et le plus malléable des deux…
Un Macron avec le charisme en moins
Comme il a horreur de rester longtemps loin des palais de Carthage, du Bardo et de la Kasbah, et comme Rached Ghannouchi est déjà dans la poche (ou le contraire), le directeur de ‘‘Leaders’’ a déjà esquissé un rapprochement avec le nouveau président de la république Kaïs Saïed, un homme encore plus réservé, plus rigide et plus résistant aux sirènes de la communication, mais qui ne tardera pas à tomber, lui aussi, dans le panneau de l’irrésistible et si bien nommé M. Hebaieb («copain» en arabe tunisien …). Il a, d’ailleurs, aussi jeté son dévolu sur un autre homme qui monte : le chef de gouvernement désigné Habib Jemli auquel il vient de réserver un portrait un peu légèrement retouché, «au Photoshop» dira également mon fils, le décrivant comme un amoureux de la terre (quoique d’un technicien supérieur en agriculture, c’est le moins qu’on est en droit d’exiger), une sorte de mec du terroir doublé d’un passionné de théâtre, eh oui, du 4e Art : M. Jemli serait-il, par hasard, une sorte d’Emmanuel Macron tunisien, avec la culture, la prestance et le charisme… en moins ?
Une bonne nouvelle, tout de même, le petit théâtre de poche qui se trouve au sein du Palais de Carthage, construit dans les années 1970 à la demande de l’ancien président Habib Bourguiba, va enfin pouvoir servir à quelque chose. A quoi bon un programme de gouvernement, lorsqu’un bon texte suffit pour ce théâtre d’ombres qu’est la démocratie d’opérette à la Tunisienne ?
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