Décidément, tel un chewing-gum collé à la chaussure de Nabil Karoui, l’affaire du lobbying de la campagne électorale du patron de Nessma TV à la présidentielle anticipée refait surface: le même journaliste qui a levé le lièvre du contrat liant Ari Ben-Menashe, l’ancien agent du Mossad, au président de Qalb Tounes revient sur cette casserole… avec de nouvelles preuves…
Par Marwan Chahla
Selon Aaron Schaffer, le journaliste d’investigation d’Al-Monitor qui a été le premier à révéler ce scandale, Ari Ben-Menashe, le lobbyiste israélien installé au Canada, a confié avoir perçu 250.000 dollars – plus de 700.000 dinars tunisiens, DT– pour plaider la cause de la candidature présidentielle de Nabil Karoui auprès de l’administration américaine – bien que le propriétaire de Nessma TV ait nié d’avoir fait appel aux services de l’ancien membre du renseignement israélien.
Schaffer revient de nouveau à la charge pour confirmer que le contrat signé avec le cabinet Dickens & Madson de Ben-Menashe était de 1 million de dollars, montant dépassant de très loin celui permis par la loi à un candidat pour financer sa campagne présidentielle, mais l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), dans sa très haute complaisance ou serviabilité, n’a pas jugé nécessaire de faire invalider la candidature de M. Karoui.
Salwa Smaoui et Salim Hamdadou ont payé pour Nabil Karoui
De nouveaux documents en la possession du journaliste d’Al-Monitor attestent que le lobbyste israélo-canadien a obtenu le quart de ce qu’il lui était dû via deux intermédiaires: Salwa Smaoui, l’épouse de Nabil Karoui, et Salim Hamdadou, que Ben-Menashe considère comme étant «un ami» du président de Qalb Tounes.
Les 250.000 dollars ont été payés juste au lendemain du premier tour de la présidentielle anticipée tunisienne et, donc, l’accession de Nabil Karoui au second tour. Salawa Smaoui et Salim Hamdadou ont expliqué à Ben-Menashe qu’ils ont été chargés des versements [50.000$ + 100.000$ + 100.000$], car le client concerné était en état d’arrestation…
Aaron Schaffer rappelle les faits: selon les termes du contrat de lobbying initial, quatre jours avant son arrestation, le 23 août 2019, Nabil Karoui a fait appel aux services de Ben-Menashe pour aider le candidat de Qalb Tounes à obtenir des rencontres avec des responsables américains et booster son profile de candidat à la présidentielle. Le contrat a été signé par un certain Mohamed Bouderbala, que Nabil Karoui nie connaître…
Les «amis américains» de Ben-Menashe ont réussi à faire libérer Nabil Karoui
Selon les nouveaux documents obtenus par le journaliste d’Al-Monitor, Ben-Menashe «a entretenu des contacts réguliers avec le gouvernement des Etats-Unis, avec pour unique objectif de porter conseil à Karoui et non pas pour influencer les décisions des autorités américaines», jusqu’au jour où le contrat est arrivé à son terme, courant octobre 2019, ajoutant que, grâce à ses efforts, la Dickens & Madson «a été capable – avec l’aide de certains de nos amis américains, il faut le reconnaître – de le faire sortir de prison à la veille du deuxième tour du scrutin présidentielle.»
Ben-Menashe maintient le suspense: il ne souhaite pas, pour l’instant, en dire plus sur ces «amis américains» qui ont réussi à faire libérer Nabil Karoui et lui ont permis de concourir «normalement», en prenant part, par exemple, au débat télévisé de l’entre-deux-tours et en tenant des meetings électoraux…
Ben-Menashe ne se souviendrait pas de la date précise de son dernier contact avec Nabil Karoui, mais il pense que cela a dû avoir lieu quelque temps après la remise en liberté du président de Qalb Tounes…
En outre, le lobbyste israélo-canadien avoue à Aaron Schaffer qu’il ne s’attend pas à encaisser les 750.000 dollars restants, pourtant, ajoute-t-il au journaliste d’Al-Monitor, Youssef Zarrouk, homme de confiance de Nabil Karoui, lui avait promis que le montant total d’un million de dollars lui serait versé…
Ari Ben-Menashe attend toujours.
Nessma TV, avec tous les rebondissements de ce Ben-Menashegate, tient là un excellent script de première main qu’elle peut toujours agrémenter de quelques tournages faits maison des déplacements à travers le pays de son patron, dans le cadre des opérations «charitables» de son association Khalil Tounes… Il y a de quoi tenir en haleine, pendant une ou deux saisons, des millions de téléspectateurs et faire pleurer dans les chaumières de Tunisie.
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