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Théâtre : ‘‘Deal’’ de Zaghbani – Amblard interroge la complexité des rapports humains

Le premier cycle de représentations de la nouvelle pièce de théâtre ‘‘Deal’’ a eu lieu les vendredi 31 janvier, samedi 1er et dimanche 2 février 2020 à l’espace L’Artisto, à Tunis. Une coproduction franco-tunisienne signée Ghazi Zaghbani et Sébastien Amblard pour revisiter la pièce ‘‘Dans la solitude des champs de coton’’ de Bernard-Marie Koltès.

Par Fawz Ben Ali

Les deux comédiens et metteurs en scène Ghazi Zaghbani et Sébastien Amblard ont décidé de remettre au goût du jour un texte de théâtre littéraire écrit en 1985 par l’écrivain français Bernard-Marie Koltès. Issus des deux rives de la Méditerranée, les deux artistes ont réadapté cette œuvre de manière à ce qu’elle puisse refléter les deux cultures française et tunisienne. Pour ce faire, il a été convenu de faire de ‘‘Deal’’ une expérience théâtrale, linguistique et humaine assez particulière.

Une expérience théâtrale particulière

Les deux metteurs en scène sont également les deux comédiens de la pièce où chacun joue dans sa propre langue. Le résultat est un échange de dialogues en français et en dialecte tunisien qui réussit à réinventer – sans le dénaturer – ce texte littéraire écrit il y a 35 ans sur la condition humaine et la complexité des rapports entre les citoyens du monde.

Les deux comédiens-metteurs en scène n’ont clairement pas peur de se mettre en danger, car traduire un texte aussi fin et poétique en dialecte tunisien ne doit pas être un exercice évident pour Ghazi Zaghbani, ni d’ailleurs pour Sébastien Amblard qui doit réagir à des répliques dites dans une langue qui lui est complètement étrangère, en l’occurrence ici le tunisien.

Les trois premières représentations ont été données à guichet fermés durant le weekend passé dans ce petit théâtre au cœur du quartier de Lafayette qui offre un cadre intime et une grande proximité entre les comédiens et le public.

‘‘Deal’’ est un huis-clos, ou presque; car l’ensemble de la pièce se déroule dans un seul et unique endroit : une rue déserte «dans l’obscurité du crépuscule», où deux solitaires – un vendeur et un acheteur – se croisent par hasard et s’apprêtent à conclure un deal. Une rencontre fortuite qui va se transformer en un duel de force ponctué d’animosité, de violence, mais aussi de complicité et de tendresse.

Un microcosme de la condition humaine

Dans un espace et une époque indéfinis et à travers ces deux portraits d’hommes, la pièce se présente comme un microcosme de la condition humaine. Elle explore la complexité des rapports de forces entre soumission et désir, mais pose aussi un regard sur les inégalités raciales et sociales, comme en témoigne d’ailleurs le titre du texte originel, ‘‘Dans la solitude des champs de coton’’, qui fait référence à la classe ouvrière, voire à l’esclavage : «Il n’y a pas d’injustice pour qui marche sur la même portion de terre soumise au même froid ou au même chaud ou au même doux mélange, et tout homme ou animal qui peut regarder un autre homme ou animal dans les yeux est son égal car ils marchent sur la même ligne fine et plate de latitude, esclaves des mêmes froids et des mêmes chaleurs, riches de même et, de même, pauvres».

En proie à leur solitude et à leurs démons, les deux personnages se retrouvent dans l’impossibilité de conclure ce deal dont ne saura pas l’objet, car cette pièce aux multiples métaphores demeure ouverte à toutes sortes d’interprétations. Un texte intemporel et universel qui repose beaucoup plus sur la suggestion que sur l’énonciation. Et la mise en scène joue ici un rôle majeur et essentiel pour dynamiser, rythmer et donner corps aux mots dans ce genre de théâtre littéraire où le texte devient une arme avec laquelle chacun des protagonistes tente d’avoir un emprise sur l’autre.

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