L’ancien secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Touhami Abdouli n’y est pas allé avec le dos de la cuillère: «Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est une véritable farce. Cette affaire (de l’éviction de Moncef Baâti) a couvert de ridicule la présidence de la République et le ministère (des Affaires étrangères), a humilié notre diplomatie et porté atteinte à la crédibilité à la Tunisie dans le concert des nations…» Pas moins !
Dans un entretien téléphonique accordé à Mosaïque FM hier, mardi 11 février 2020, l’ancien secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes et des Affaires arabes et africaines (2012-2016) n’a pas décoléré pendant la dizaine de minutes de cette intervention à partir du Koweït.
D’entrée de jeu, il démonte point par point la justification présentée par le palais de Carthage du limogeage de Moncef Baâti, l’ex-représentant de la Tunisie auprès de l’Organisation des nations unies (ONU) et du Conseil de sécurité.
La véritable raison de l’éviction, il faut chercher ailleurs
Tout d’abord, Touhami Abdouli explique que «cette histoire de la piètre performance de Moncef Baâti et de son manque de coordination n’a absolument aucun fondement» et «pour trouver la véritable raison de l’éviction de cet homme, il faut chercher ailleurs».
Quant au document qui aurait été «la goûte qui a fait déborder le vase», là également M. Abdouli émet de sérieuses réserves. Le texte qui allait servir de point de départ pour un projet de résolution à soumettre au vote du Conseil de sécurité était ce que l’on appelle a non-paper, c’est-à-dire un document officieux qui n’a rien de contraignant ou engageant. «Soyons clairs, ce texte n’a pas été rédigé par Moncef Baâti. Non, ce document lui a été transmis par le ministère des Affaires étrangères (MAE). Je sais ce que je suis en train de dire. Et cela suppose que, pour une question aussi importante, ce document a été lu et approuvé par le président de la République…»
Ainsi, selon M. Abdouli, Moncef Baâti n’a commis aucune erreur. «D’ailleurs, je connais très bien cet homme, pour avoir travaillé avec lui, de 2011 à 2013. C’est un diplomate de carrière chevronné et un homme de grande expérience qui a représenté la Tunisie à Genève. Pour ceux qui ont eu la chance de le côtoyer, c’est un mentor dans son domaine.»
Il fait éviter de surenchérir sur la question palestinienne
Et, d’une pichenette, Touhami Abdouli rejette l’argument de la présidence de la République selon lequel Moncef Baâti a été limogé pour son mauvais rendement. «Pour moi, les choses sont claires: il n’a commis aucune faute…»
Quant à la question palestinienne, qui est au centre de cette tempête, pour M. Abdouli, «honnêtement, il n’y a pas lieu de surenchérir là-dessus: nous autres Tunisiens avons tous, et de tout temps, été corps et âme avec cette cause…», déclare-t-il.
«Il y a plus grave, semble craindre l’ancien secrétaire d’Etat. J’ai bien peur que l’éviction de Moncef Baâti a un autre objectif: l’homme a été dégagé pour que quelqu’un d’autre prenne sa place. Ni plus ni moins. Et vous verrez, les jours prochains donneront raison à ce que j’avance là…»
Triste sort pour Moncef Baâti, pour la diplomatie tunisienne et pour la Tunisie que le sort des relations de notre pays avec le monde soit aujourd’hui confié à l’amateurisme…
Marwan Chahla
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