Désormais loup solitaire, Zied Ladhari, le député et secrétaire général démissionnaire du parti islamiste Ennahdha, peine à faire entendre sa voix. Sa dissidence lui coûte très cher et à vouloir s’exprimer «trop» librement, il se trouve esseulé. Une de ses dernières sorties, où il n’obéit pas aux ordres de son père spirituel, Rached Ghannouchi: l’attaque frontale d’Elyès Fakhfakh et de son projet gouvernemental…
Par Marwan Chahla
Hier, jeudi 27 février 2020, dans une déclaration au micro de Radio Med, Zied Ladhari, l’électron libre nahdhaoui – lui qui, depuis quelques mois déjà, a décidé de faire cavalier et de défier le dirigisme islamiste – a une fois de plus pris le contre-pied de son parti en ne votant pas la confiance à Elyès Fakhfakh et en le critiquant vertement.
Sans prendre de gants, Zied Ladhari reproche au successeur de Youssef Chahed «de manquer de clarté, de cultiver le flou et de ne pas avoir d’audace.»
Un frondeur face à la machine Ennahdha
«Comment, s’interroge l’ancien ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, compte-t-il s’y prendre pour résoudre les six ou sept dossiers nationaux les plus importants et qui ne peuvent pas attendre ?»
Avec cette liberté d’opinion, à laquelle les Nahdhaouis ne nous ont pas habitués et qui contrarie très certainement les calculs politiciens des stratèges de Montplaisir, il y a fort à parier que Zied Ladhari ne fera pas long feu… La machine nahdhaouie a broyé tant de frondeurs, laminé tant d’ennemis et réduit à néant tant d’«amis»…
En s’isolant ainsi au sein de de sa propre famille, où certains l’appellent déjà ouvertement à démissionner, et en se mettant sur le dos la majorité ayant voté la confiance au nouveau chef de gouvernement, il entame, à n’en pas douter, une longue traversée du désert.
Il se voyait le successeur naturel de Youssef Chahed
Les mauvaises langues disent que Zied Ladhari se voyait succédant à Youssef Chahed au Palais de la Kasbah et n’a pas apprécié que son parti ne propose pas sa candidature pour succéder à ce dernier, estimant avoir plus de chance d’être accepté que le candidat finalement présenté par Ennahdha, Habib Jemli, qui n’a pu avoir la confiance de l’Assemblée.
Cet avocat de Sousse n’a pas tort de penser qu’Ennahdha avait fait un très mauvais choix, mais sa stratégie de rupture actuelle pourrait s’avérer suicidaire. Car l’homme était totalement inconnu avant 2011 et n’avait pas de passé politique digne de ce nom. Il doit son accession, trop rapide au goût de beaucoup de ses camarades, au chef d’Ennahdha, Rached Ghannouchi. Or, il offre aujourd’hui, comme Mohsen Marzouk, l’image d’un «homme pressé». Mais dans son cas, il l’est peut-être un peu plus que le président de Machrou Tounes.
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