Au moment où la Tunisie combat le coronavirus (Covid-29), les Tunisiens devrait se remémorer d’un illustre médecin, Charles Nicolle, qui a trouvé, au début du 20e siècle, le remède contre une autre épidémie, le typhus, ayant alors sévi dans notre pays, et cela lui valut le prix Nobel de Médecine.
Par Mohamed Sadok Lejri *
Les Tunisiens ne commémorent jamais l’anniversaire de la mort de Charles Nicolle, et pourtant c’est un des personnages les plus illustres qu’ait connus la Tunisie. Pour la plupart des Tunisiens, «Char Nicoles» est le nom d’un établissement de santé publique qui se trouve au cœur de Tunis, où des gens souffrants poireautent pendant des heures et des heures avant de se faire consulter à la va-vite par un médecin à bout de forces et décrocher un rendez-vous pour l’année d’après. C’est aussi, pour eux, le nom de l’avenue qui relie le stade olympique d’El Menzah au bar Le Shilling. Et, pour ne rien arranger, son nom est toujours mal orthographié : «Charles Nicoles» peut-on lire sur certaines plaques.
L’Institut Pasteur de Tunis était toute sa vie
Charles Nicolle arrive en Tunisie en 1903, après de brillantes études de médecine à Paris et quelques années d’enseignement à Rouen. Ses études sur la leishmaniose canine sont considérées comme ses premières conquêtes scientifiques. La lutte qu’il mène contre le typhus, lequel faisait rage en Tunisie, lui ouvre les portes de la gloire. En effet, l’attribution du Prix Nobel de médecine pour avoir vaincu le typhus le fait entrer au Panthéon des immortels. Peu avant sa mort, la vaccination contre le typhus couronne ses efforts.
Charles Nicolle découvre également que le pou véhicule la fièvre récurrente et illumine de son don intuitif les diagnostics des médecins : peste, choléra, lèpre, rougeole, coqueluche, oreillons, fièvre méditerranéenne, mycose, trachome…
Charles Nicolle laisse derrière lui une œuvre imposante rédigé dans un style de la plus grande clarté. Sa plume est élégante et porte la marque de son admiration pour Pierre Corneille.
Outre son génie médical, Charles Nicolle était féru de philosophie et aimait les belles lettres au point de revoir et corriger, de la façon la plus affable, les rapports de ses collaborateurs. Les archives de l’Institut Pasteur de Tunis qu’il a fondé en 1906 ont été l’objet de son attention la plus méticuleuse.
Comblé d’honneurs de son vivant, Charles Nicolle ne réclamait qu’un seul titre, celui qui, selon sa volonté, a été gravé sur la dalle funéraire : «Directeur de l’Institut Pasteur.»
L’Institut Pasteur était toute sa vie. Ennemi des titres honorifiques et des hochets de la gloire, Charles Nicolle a, en 1922, désiré et obtenu une Chaire de médecine au Collège de France, mais c’était pour continuer Pasteur et former les jeunes à la recherche expérimentale.
Au début de l’année 1934, le mal l’a frappé et a failli l’emporter. Il a survécu à cette maladie, mais elle ne l’a plus quitté. Charles Nicolle se doutait qu’il n’en avait plus pour très longtemps : «Je suis mort une première fois, maintenant je suis en survie», disait-il. Pendant deux ans, il a attendu sereinement sa dernière minute, en rédigeant ses derniers cours du Collège de France, en mettant de l’ordre dans ses souvenirs et en léguant son héritage scientifique et littéraire au musée du Bardo, au musée de Rouen, à la Bibliothèque de Souk El Attarine.
Un grand esprit qui est en même temps un grand cœur
Charles Nicolle s’est éteint le 28 février 1936 à l’âge de soixante-dix ans. Le Maître, car ses collègues et disciples le nommaient du nom de «Maître» avec beaucoup de vénération et d’affection, aimait profondément la Tunisie et lui a consacré la plupart de ses travaux. Il s’est dévoué toute sa vie au service de la science et de l’homme. Toute sa vie et toute son œuvre ont été faites de labeur inlassable, de recherches difficiles et de découvertes retentissantes.
La longue silhouette fine du Maître hante toujours les murs de l’Institut Pasteur de Tunis. En effet, Charles Nicolle repose aujourd’hui à la place qu’il avait lui-même choisie, dans le couloir d’entrée de l’Institut Pasteur de Tunis : «Je veux que mes cendres, mêlées au sol africain, perpétuent l’œuvre de mes jours.» (Charles Nicolle)
Le célèbre écrivain Georges Duhamel, un auteur dont les citations sont souvent reprises par les dictionnaires (cf. Le Petit Robert) a mis à profit son génie pour dépeindre par ces mots magnifiques le savant, l’écrivain et le philosophe que fut Charles Nicolle : «À ceux qui désespèrent de rencontrer, dans l’infinie multitude humaine, un maître qui soit le plus cordial des compagnons, un grand esprit qui soit en même temps un grand cœur, un savant doué comme un poète, un poète modeste comme un vrai sage, un sage non touché de misanthropie, bref une âme d’élite, rayonnante, généreuse, libre, à tous ceux-là je voudrais faire connaître Charles Nicolle.» (Georges Duhamel).
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