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Coronavirus : les Tunisiens ont-ils tous conscience que leur pays est en guerre ?

Aujourd’hui, à Ain Draham, des files devant La Poste (captures d’écran).

La Tunisie est en état de guerre contre le coronavirus. Un état de guerre sanitaire et économique, mais beaucoup de Tunisiens n’ont aucune conscience du grand danger. Pire, ils sont contre l’Etat dans son effort de lutte contre l’ennemi. Le moment est à la rigueur stricte, quitte à froisser certaines susceptibilités.

Par Hassen Mzoughi

La situation est très grave et il faut être inquiet. Nous sommes dans une situation de diffusion massive d’un virus par des porteurs qui n’ont aucun symptôme, et pour lequel nous n’avons aucun traitement. C’est dire le grand danger de l’épidémie qui a déjà fait plusieurs centaines de morts dans plusieurs pays forts comme l’Italie et la France, qui n’arrivent pas à juguler l’épidémie, parce qu’ils ont «accompagné» la maladie sans anticiper le danger. Ce que nous sommes en train de faire.

Nous avons des exemples frappants devant nous, mais rien n’indique que les Tunisiens sont conscients de l’extrême dangerosité de la situation. Rien ne dit que l’Etat est déterminé à frapper fort et imposer la loi.

Le virus est «aux vestiaires en train de s’échauffer» !

Les Tunisiens continuent à désobéir aux mesures barrières les plus élémentaires censées protéger leur santé. Beaucoup par dogme selon lequel «la mort est obligation divine». Pire, des énergumènes exploitent la situation de panique pour commettre les pires infractions passibles pour des crimes contre l’humanité, puisqu’ils mettent en danger la santé de tous les citoyens et tous les secteurs vitaux du pays, à commencer par l’institution sanitaire et l’économie, déjà faibles.

Les autorités ont déjà lancé la sonnette d’alarme. Des sources sanitaires qualifient de «catastrophique» l’augmentation exponentielle du nombre des personnes infectées par le coronavirus en Tunisie, qui devrait encore croître dans les prochains jours et semaines, alertent ces mêmes sources, si les citoyens n’obéissent guère à la discipline obligatoire en période de crise. D’ailleurs, des spécialistes estiment que le virus est «aux vestiaires en train de s’échauffer»!

Le nombre des personnes infectées (et détectés) en Tunisie a atteint 89 cas, et Nissaf Ben Alaya, directrice de l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes (OMNE), a encore déploré, aujourd’hui, lundi 23 mars 2020, lors de son bulletin quotidien, l’indifférence à l’isolement qui augmente le nombre de contaminations et menace de déclencher une situation épidémique incontrôlable. «Si ça continue comme ça, nous allons tous être exposés à la contagion», a encore alerté la directrice de l’OMNE. La situation risque donc de devenir définitivement insurmontable, d’autant que les Tunisiens continuent d’arriver de pays largement infectés. Imaginons une seconde que le corona se soit déclenché en Tunisie avant la Chine !

L’Etat doit imposer son autorité et sévir sans ménagement

Si l’Etat ne fait pas preuve de rigueur, il se retrouvera lui-même dépassé par les événements, comme en… 2011, avec tous ces actes de vandalisme dont on supporte les conséquences jusqu’à aujourd’hui.

L’Etat sera jugé sur sa capacité de gérer la crise. Tout le monde sait que les moyens sont limités, et ni les autres pays, eux aussi en pleine crise de corona, ni l’Onu (quelle idée !) ne lui viendront à l’aide. Les Tunisiens sont condamnés à compter sur eux-mêmes.

Les écarts en tous genre sont toujours d’actualité (comme constaté de visu aujourd’hui, lundi 23 mars, à la Cité El Mourouj, au sud de Tunis, devant les boulangeries ou la Poste, avec des bousculades monstres y compris plusieurs vieux), mais l’Etat ne peut pas continuer à faire uniquement dans le «soft», à se contenter de sensibilisation, croyant pouvoir retarder ainsi le pic de la courbe épidémique. Il doit imposer son autorité, par des mesures exceptionnelles, dans ces circonstances exceptionnelles, comme le demandent beaucoup de citoyens avec force, pour contrer tous les dépassements et les infractions, pour se protéger tant qu’on peut face à la propagation.

La situation est aux décisions fermes, car l’on jugera l’Etat par sa capacité à TOUT mettre en œuvre afin de lutter contre la pandémie.

Pas de mains tremblantes dans ces circonstances graves

On peut relever des lacunes graves, comme par exemple laisser dans la nature les Tunisiens arrivés par cinq vols en cinq jours consécutifs sur l’aéroport de Djerba, ou le manque flagrant d’équipements médicaux (blouses de protection, testeurs, respirateurs dans des CHU), mais l’Etat ne peut plus se contenter des mesures barrières connues.

Il faut avoir l’audace de sévir, tout en prodiguant les moyens nécessaires aux autorités régionales (gouverneurs) et aux institutions sectorielles. Il faut appliquer la loi comme imposer des amendes voire des peines de prison contre tout «hors la loi». En France et en Espagne, les amendes vont de 135 à 200 euros (400 à 600 dinars tunisiens). En Allemagne, le gouvernement a décidé la prison pour tout contrevenant au confinement. On sait tous que le Tunisien craint beaucoup pour sa bourse (témoin : la ceinture de sécurité).

Pour ne pas sombrer dans le chaos, il faut se comporter comme un Etat garant de la sécurité de ses citoyens, non pas avec le souci de ne pas froisser certaines «susceptibilités politiques», comme cela est le cas pour la lutte contre le terrorisme et la corruption.

Le coronavirus, c’est un ennemi majeur, aussi dangereux, sinon plus. Il faut le combattre avec tous les moyens. Sinon, ce sera la guerre civile. Et si des parties s’opposent à la mise en œuvre de l’autorité de l’Etat dans ces moments graves, au nom d’une crainte supposée pour les «libertés», il faudrait leur rappeler que l’ancien régime de Ben Ali avait fermé les yeux sur des dépassements graves, qu’ils avaient eux-mêmes stigmatisé de leur «exil». Le danger est plus grave car il menace TOUT le pays, son économie déjà fragilisée, sa sécurité dans tous ses aspects, ses institutions qui risquent de s’écrouler, si l’Etat continuera à agir avec des mains tremblantes.

C’est le cas aujourd’hui mais ces responsables qui crient au danger de laisser agir le pouvoir exécutif n’ont pas conscience du danger. Alors faut-il reprocher au petit peuple son indifférence face à la pandémie tueuse.

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