Les puristes des essais randomisés et de la médecine basée sur les preuves indiscutables et définitives doivent se poser de nombreuses questions sur la faisabilité des essais cliniques dans un contexte de pandémie mondiale avec un nombre de morts comptés par milliers chaque jour, comme c’est encore le cas dans plusieurs pays développés.
Par Pr Faouzi Addad *
L’étude Discovery présentée comme le plus grand essai clinique européen devant concerner 3000 patients avec 5 bras, et dont les premiers résultats étaient attendus à la fin avril dernier, peine encore à révéler ses secrets.
Finalement, seuls 740 patients ont été inclus dans l’étude, principalement en France et dans un seul centre européen au Luxembourg. Aucun autre pays européen n’a inclus de patients. La faute à une réglementation lourde et non adaptée à une situation de grave crise sanitaire, à un protocole compliqué et à une certaine résistance des praticiens, le tout combiné à une baisse du nombre des patients hospitalisés. Cette étude sera probablement bientôt baptisée «Without discovery».
D’une polémique à une autre
En ce qui concerne le Remdesivir, on a eu simultanément deux études randomisées, l’une américaine dite positive (sur les résultats espérés mais pas sur le nombre de morts !!??) et l’autre chinoise, qui s’est révélée totalement négative.
Par ailleurs, une nouvelle polémique vient de surgir après l’annonce en fanfare par Assistance publique – Hôpitaux de Paris (APHP) de l’efficacité d’un autre médicament, le Tocilizumab. En effet, avant-hier, jeudi 7 mai 2020, le comité de surveillance de cet essai clinique vient de démissionner à cause d’un vif désaccord sur la communication des résultats préliminaires, présentés comme positifs. Il semble qu’il y a eu de nombreux dysfonctionnements comme des changements, en cours de route, des critères de jugement. La publication se fait attendre, là aussi.
La revanche du Pr Didier Raoult
Finalement, le Pr Didier Raoult peut se frotter les mains, lui qui a été accusé de ne pas avoir respecté la méthode habituelle des essais cliniques, car ces développements montrent qu’il a peut-être eu raison de recourir aux études observationnelles dans ce contexte d’urgence sanitaire.
D’ailleurs, ces derniers jours, deux études positives avec une baisse de 50% de la mortalité utilisant le protocole qu’il préconisait depuis le début de la pandémie vont être bientôt publiées, l’une chinoise effectuée sur 197 patients, et l’autre sur 700 patients, réalisée par des médecins généralistes du Grand-Est de la France. Pour ces derniers, l’azithromycine semble essentiel dans le traitement des patients atteints de Covid-19.
L’empirisme médical est-il en train de gagner du terrain face à la dictature des essais cliniques qui vont jusqu’à empêcher la vente, dans les pharmacies, des médicaments que le praticien juge nécessaire pour le traitement de son patient ?
Décidément, le coronavirus est en train de bouleverser le monde, y compris le domaine scientifique et médical.
* Professeur en cardiologie.
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